Des fermes zéro gaspillage

Virginie Landry
Collaboration spéciale, cariboumag.com
Sur sa terre, en Montérégie, Mathieu Jodoin produit entre autres des asperges et autrefois, ses légumes aux formes imparfaites finissaient trop souvent à la poubelle.
Photo: Mathieu Jodoin Sur sa terre, en Montérégie, Mathieu Jodoin produit entre autres des asperges et autrefois, ses légumes aux formes imparfaites finissaient trop souvent à la poubelle.

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs

Mathieu Jodoin, de la ferme Jodoin, en Montérégie, et Sarah Farley-Gélinas, des Fermes urbaines Ôplant, à Montréal, ont tous deux décidé de s’attaquer au gaspillage alimentaire à la source, c’est-à-dire à même leur production. En effet, une grande partie des aliments gaspillés provient du début de la chaîne alimentaire, à la ferme, où les légumes aux formes imparfaites qui ne respectent pas les standards des épiceries et les surplus de production finissent trop souvent à la poubelle. En quête d’une solution, c’est sur l’application franco-danoise Too Good to Go, proposée dans plusieurs régions au Québec depuis novembre 2021, que ces fermes ont toutes deux trouvé leur compte.

 

Il faut savoir que, selon les plus récents chiffres de Recyc-Québec, 1,2 million de tonnes d’aliments comestibles sont perdues ou gaspillées chaque année dans la province. De cette quantité, 45 % sont des fruits et des légumes. C’est pourquoi des applications comme FoodHero, FlashFood et Too Good to Go, pour ne nommer que celles-là, gagnent rapidement en popularité. Elles permettent aux citoyens de sauver des aliments approchant leur date de péremption dans les épiceries, des surplus dans les restaurants et des invendus dans les petits commerces de quartier, qui, autrement, seraient jetés. Pour ce faire, il suffit de les réserver sur l’application et d’aller les récupérer sur place au moment désigné. Le tout à une fraction du coût.

À la campagne

 

Sur sa terre, en Montérégie, Mathieu Jodoin produit des tomates ancestrales, des aubergines, des asperges, des pommes de terre et des haricots, entre autres légumes. Avant, lorsqu’il avait des surplus au champ ou des légumes trop moches pour son réseau de distribution, il devait les jeter, faute de ressources pour les écouler.

« Mon autre option est de donner ces denrées à mes employés, ce que je fais encore », explique l’agriculteur, pour qui l’important reste toujours de bien nourrir le monde. Sauf que, parfois, il lui en reste encore à écouler. C’est pourquoi il a décidé de tenter l’expérience Too Good to Go à l’été 2022. « Je ne pensais pas que ça aurait autant de succès », admet-il, à l’aube de la saison 2023.

Le processus est simple, bien qu’il prenne un peu de temps : il prépare des paniers mixtes, affiche sur l’application le nombre de paniers à écouler et le moment pour venir les récupérer à sa ferme. Pour 5 $, les gens obtiennent environ 30 $ de denrées si elles étaient vendues à plein prix. De ce montant, il reste environ 4 $ dans ses poches après la commission qui revient à Too Good to Go pour la gestion de l’application.

Je le fais de gaieté de coeur, parce que ça prend quand même beaucoup de mon temps. J’ai la conscience tranquille, sachant que je vais nourrir des gens avec ces produits encore beaux, mais pas assez pour être vendus à plein prix.

 

« L’an dernier, j’ai réussi à faire environ 700 $ avec ces paniers », avoue-t-il. Un montant non négligeable pour un agriculteur.

S’il a réussi à aller chercher quelques nouveaux clients, il est particulièrement fier d’avoir pu nourrir des touristes de passage dans la région. « Beaucoup de Français en voyage au Québec sont venus récupérer des paniers. Ils connaissaient la plateforme parce qu’elle est populaire en France et ils voulaient économiser pendant leur séjour ici, en plus de manger local », raconte Mathieu Jodoin.

Satisfait du résultat de sa première année sur cette application pour contrer le gaspillage alimentaire, il retentera l’expérience cette année.

En ville

 

Les Fermes urbaines Ôplant, pionnières dans le monde de l’agriculture verticale, où les aliments sont produits en hauteur et à l’intérieur, sont situées non loin de la station de métro Viau, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, à Montréal.

« On a un produit particulier, explique Sarah Farley-Gélinas, présidente-directrice générale de l’entreprise. On offre des bébés verdures et des micropousses. Ce sont des produits fragiles, haut de gamme. » La majorité de sa production est vendue à des restaurateurs et dans certains IGA de Montréal.

L’entreprise a décidé de se joindre à la plateforme Too Good to Go en juillet 2022 dans le but d’éviter de gaspiller ses surplus, mais aussi pour se faire connaître à l’échelle du quartier.

L’horaire de la production est bien rodé : « Les épiceries et les restaurants commandent ce dont ils ont besoin en début de semaine. Le mercredi soir, on sait ce qu’on aura en trop. La durée de vie de nos produits est courte, donc quand on constate un surplus, il faut qu’il sorte rapidement. » Une partie des surplus est distribuée à des organismes communautaires du quartier. Le reste s’en va sur Too Good to Go.

On veut être une marque citoyenne, un bon citoyen pour notre quartier. On le fait zéro pour l’argent. Je le ferais même si c’était gratuit.

 

Chaque semaine, l’équipe de Sarah Farley-Gélinas prépare entre 20 et 30 paniers, dans lesquels elle met au minimum trois variétés de verdures (jeunes pousses de roquette, de chicorée, de cresson de fontaine, micromoutarde, micropersil, microbasilic thaï, etc.). Le prix est de 7,99 $ pour un panier qui en vaut jusqu’à 30 $. Ils seront prêts pour le ramassage le jeudi entre 16 h et 18 h seulement, les Fermes urbaines étant autrement fermées au public pour l’instant.

« Au final, c’est marginal l’argent qu’on fait avec ça », admet la p.-d.g. de l’entreprise. Mais l’ébahissement des gens qui viennent récupérer leur panier en vaut la peine, selon elle. « Cela nous permet de leur expliquer qui on est, ce qu’est l’agriculture verticale, nos hautes technologies et ce qu’on veut devenir. »

En un an, les Fermes urbaines Ôplant ont vendu plus de 430 paniers et ont reçu 70 000 visites sur leur profil Too Good to Go. Et ces chiffres continuent de monter…

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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