Décryptage des tensions à la frontière occidentale avec la Russie

Le 4 avril 2023, la Finlande est devenue le 31e membre de l’OTAN.
John Thys Agence France-Presse Le 4 avril 2023, la Finlande est devenue le 31e membre de l’OTAN.

Le Devoir a profité de ses arrêts à Helsinki, dans le sud de la Finlande, et à Kirkenes, au nord de la Norvège, pour s’entretenir avec Matti Pesu, chercheur à l’Institut finlandais des affaires étrangères, et Kari Aga Myklebost, professeure d’histoire à l’Université arctique de la Norvège.

Une nouvelle guerre froide bat-elle son plein ?

Myklebost Il y a des similitudes : la frontière fermée, les représentations faites de l’ennemi, le renforcement militaire… Mais il s’agit aussi d’une guerre très chaude en Europe. La situation est donc beaucoup plus explosive que pendant la guerre froide.

La Norvège est membre fondatrice de l’OTAN. Pourquoi fait-on grand cas de l’arrivée de la Finlande dans l’Alliance atlantique ?

Myklebost La Norvège a choisi d’être l’un des membres fondateurs de l’OTAN afin d’être un élément stabilisateur pour l’Alliance atlantique dans les pays nordiques. Cela s’explique par la longue côte norvégienne, qui est considérée comme très importante sur le plan militaire à la fois par l’Union soviétique et les États-Unis. Et puis, parce que la Norvège a fait cela, la Finlande a pu équilibrer les choses en signant un traité d’amitié avec l’Union soviétique et en restant neutre. La Suède pouvait également rester neutre. Mais le Danemark est entré dans l’OTAN. Il y avait donc cet équilibre nordique où certains étaient membres de l’OTAN, d’autres étaient neutres, mais avec un certain niveau de coopération entre la Finlande et l’Union soviétique.

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Ce texte est publié via notre section Perspectives.

Quelle a été la « réponse rapide et adéquate » promise par la Russie après l’entrée de la Finlande dans l’OTAN, qu’elle perçoit comme une « menace » à sa « sécurité militaire » ?

Pesu Les analystes comme moi s’attendaient à une réaction assez dure de la part de la Russie, avec des mesures de représailles, une sorte d’intimidation, des actes de sabotage, des cyberopérations, et j’en passe, mais rien en plus de quatre mois. Pourquoi ? Probablement parce que son attention est concentrée sur l’Ukraine. Et peut-être parce qu’elle pense que ne pas réagir est la meilleure façon de gérer la situation pour le moment.

L’économie finlandaise peut-elle prospérer sans des échanges avec la Russie ?

Pesu Cela a été, bien sûr, un choc pour l’économie régionale de la Finlande orientale. Les Russes venaient en Finlande pour acheter de la nourriture — ils adorent le fromage finlandais —, séjourner dans les hôtels et utiliser d’autres services. Mais l’effondrement du commerce avec la Russie n’a pas été si dramatique pour l’économie finlandaise dans son ensemble. De nouveaux marchés ont été trouvés. Et il y a un consensus dans ce pays : nous sommes prêts à en payer le prix.

La Finlande a-t-elle changé de ton à l’égard de la Russie après le départ du gouvernement de Sanna Marin et l’arrivée de celui de Petteri Orpo ?

Pesu En général, les changements de gouvernement donnent lieu à l’introduction de nuances dans la politique étrangère. C’est le cas aujourd’hui. Mais sur les grandes questions comme l’adhésion à l’OTAN, la Russie, les dépenses en défense, les partis politiques s’entendent.

Pourquoi les restrictions imposées à la Russie par la Norvège sont-elles moins sévères que celles imposées par la Finlande ?

Myklebost La Finlande a une vision historique de l’Union soviétique et de la Russie comme étant agressives. La Norvège coopère avec la Russie depuis 30 ans. Il est difficile pour elle de passer de l’établissement de bonnes relations à la fermeture de la frontière.



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