«Old»: Margie Gillis, pour une toute dernière fois

Margie Gillis, en répétition pour son spectacle Old
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Margie Gillis, en répétition pour son spectacle Old

À quelques mois de son 70e anniversaire, la danseuse et chorégraphe Margie Gillis remonte une dernière fois sur scène pour un format long. Pendant plus d’une heure, l’artiste, qui compte 50 ans de carrière, se dévoile dans un corps « rempli de défi, de douleurs, mais toujours de plaisir » dans ce nouveau solo, Old. Un hommage à la beauté et à la sagesse qu’apporte la vieillesse.

« OH OUI ! » lance Margie Gillis, plus qu’enthousiaste, lorsqu’elle répond à la question « À votre âge, arrivez-vous à avoir encore du plaisir à danser ? ». En effet, l’artiste de 69 ans s’apprête dans quelques jours à refouler les planches de la scène, en solo, pour quatre représentations de près de 70 minutes. « J’ai eu des opérations aux genoux, ils sont fragiles. Le travail au sol est plus compliqué maintenant, je me relève moins vite et je ne peux plus sauter comme avant. Plus jeune, j’adorais sauter contre les murs. Maintenant, c’est plus risqué. C’est différent, oui, mais l’envie et le plaisir du mouvement sont toujours là », indique-t-elle.

Pendant 50 ans, Margie Gillis n’a en effet jamais quitté la scène, ici comme à l’international. Elle n’en retient pas quelques moments marquants, car elle a fait « trop de spectacles », mais bien chaque performance devant le public. « Chaque fois, quel que soit le spectacle, la profondeur de l’existence que je peux chercher en étant sur scène et la connexion créée avec l’assistance sont les deux choses qui ont marqué toute ma carrière », livre-t-elle.

Pourtant, à ses débuts, Mme Gillis ne pensait pas monter sur scène. « Je trouvais ça inutile, de dévoiler mes mouvements et mon corps sur scène. Je me disais que les gens n’allaient pas comprendre. Et finalement, j’ai été surprise de voir que ça touchait les gens. Ce sont eux qui m’ont convaincue de continuer », poursuit-elle.

À travers ses expériences de danseuse et de chorégraphe, Margie Gillis est devenue une mentore pour de nombreux artistes. Une posture qui lui a demandé plusieurs décennies avant de complètement l’incarner. « Quand j’étais jeune, je pensais que l’honnêteté demandait beaucoup de psychologie, beaucoup de réflexion, et que je pouvais y arriver sur moi-même, mais pas avec les autres, raconte-t-elle. Finalement, j’ai compris que j’étais capable d’aider les autres à trouver pour eux-mêmes la façon de concrétiser des postures, des rituels. Je savais transmettre, aider les autres à trouver leur vision. » Elle livre aussi depuis plusieurs années sa façon de créer, « complètement nouvelle et inédite à [son] époque », et sa pédagogie. « Le monde veut aussi connaître mes techniques de performance, comment être intime avec un auditoire », ajoute-t-elle.

Pour Margie Gillis, l’âge est donc loin d’être un problème. Au contraire, selon elle, il s’agit d’une « expérience à vivre ». « Je sais que c’est difficile, que le corps, l’énergie, la santé, la façon de bouger, de s’alimenter… tout change ! Mais nous sommes la nature, et j’ai confiance en elle et dans le cycle de la vie. J’avais hâte d’explorer la sagesse qui m’attend, cette nouvelle expérience. Où trouver la beauté ? Où trouver la joie là-dedans ? » se demande-t-elle.

Rester curieuse

Margie Gillis considère le fait de vieillir comme « un voyage ». « Il faut apprendre à jouer avec les choses de la vie. Grandir, vieillir, en fait partie. C’est important de garder une curiosité », dit-elle. Ainsi, depuis une dizaine d’années, elle s’observe, regarde son corps changer, ses habitudes évoluer. Et pour garder une trace de ses recherches introspectives, elle a écrit une vingtaine de chapitres, point de départ de sa recherche pour son oeuvre Old. « Je me suis intéressée aux systèmes dans le corps, au fonctionnement du cerveau, à l’énergie, à la peur, à l’envie, mais aussi en connectant ça à des problèmes sociaux… J’ai travaillé sur la douleur, comment elle peut être une qualité intéressante, comment bouger avec elle, comment explorer encore. »

De plus, la chorégraphe a beaucoup échangé avec des amis de son âge, et parfois plus âgés, pour connaître leurs réalités. « J’ai beaucoup travaillé avec Thomas Atum O’Kane, un maître spirituel. Le matin, il donnait un cours, l’après-midi, j’essayais de mettre ses idées en mouvement. On parlait de sagesse expérientielle », se rappelle-t-elle.

Il faut apprendre à jouer avec les choses de la vie. Grandir, vieillir, en fait partie. C’est important de garder une curiosité.

Sur le plan chorégraphique, Margie Gillis a élaboré plusieurs sections précises, mais elle se laisse aussi de la place pour l’improvisation. « Je change la chorégraphie un peu chaque fois, pour être authentique avec l’énergie du moment et garder aussi la curiosité », explique-t-elle.

Avec Old, Margie Gillis souhaite livrer ses réflexions sur la vieillesse. « J’espère que le spectateur trouvera sa propre sensibilité, et pour les plus jeunes qui seront là, je veux être honnête, montrer comment cette expérience me transforme, comment je la vis », décrit-elle.

Lorsqu’on lui demande comment elle se sent face à ses dernières performances longues sur scène, Margie Gillis évoque une « combinaison d’émotions ». « On verra bien ce que l’avenir nous offre. Nous, danseurs contemporains, on peut trouver de la place si on veut continuer, mais moi, je pense à arrêter depuis plusieurs années. Malgré ça, j’ai toujours des idées, de l’inspiration, donc on va voir, conclut-elle. S’il y a une place pour mes propositions, tant mieux. Sinon, peut-être que les arbres de la forêt seront mon dernier public. On verra. »

Old

Margie Gillis. À l’Agora de la danse, du 9 au 12 mars.

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