«Paperplane»: vol en apesanteur

Sarah Leblanc-Gosselin, Stéphane Gentilini, Bobby Cookson et, au cerceau, Katarína Sobinkovičová, dans « Paperplane »
Photo: Marie-Andrée Lemire Sarah Leblanc-Gosselin, Stéphane Gentilini, Bobby Cookson et, au cerceau, Katarína Sobinkovičová, dans « Paperplane »

Créé au théâtre Alphonse-Desjardins, à Repentigny, Paperplane se révèle un spectacle inclassable, fondant cirque (beaucoup), musique, danse et théâtre. Connu pour ses mises en scène théâtrales énergiques, Frédéric Bélanger s’associe ici avec la circassienne Émilie Émiroglou pour offrir une oeuvre scénique plutôt intimiste. Une bulle tendre, ludique et poétique. Une talentueuse distribution issue de diverses disciplines artistiques (Stéphane Gentilini, Agustin Rodriguez, Sarah Leblanc-Gosselin, Bobby Cookson, Katarína Sobinkovičová, Myriam Deraiche, Samuel Charlton et Évelyne Laforest) porte la création avec une belle symbiose.

Inspiré, dit-on, par les souvenirs d’enfants de ces huit interprètes, le spectacle s’avère d’une teneur plus onirique, atmosphérique que dramatique. Paperplane s’amorce pourtant par un texte, en hommage à une femme qui n’est plus là. Si on en croit le document de presse, la création serait inspirée par la fameuse aviatrice Amelia Earhart, disparue en mer (d’où peut-être ces draps, évoquant des parachutes, qui tapissent la scène). On croit en effet la reconnaître, brièvement, au blouson que porte une interprète. Mais la trame est ténue, et ces fils narratifs semblent abandonnés — ou peu apparents. Le spectacle déploie davantage son sens à travers une enfilade de scènes, pas un récit. Le soir de la première, le public l’a compris, se mettant au bout d’un moment à applaudir les numéros individuellement.

Une feuille de papier qui volette sur scène, portée par l’air, sert d’image métaphorique au spectacle. Peut-être pour illustrer la vie et le fait qu’on ne sait jamais vraiment où elle va nous mener. C’est le cas de Paperplane, dont la tonalité varie au gré des tableaux, voguant de la mélancolie à la joyeuse évocation de jeux d’enfants, ou même à une reconstitution amusante — bien que paraissant sortie de nulle part — d’un match de baseball.

« Le temps perdu ne se rattrape plus », chante joliment Sarah Leblanc-Gosselin, reprenant la chanson de Barbara en s’accompagnant au piano.Ce spectacle, qui baigne dans l’espace de la mémoire, est décrit comme une célébration du cycle de la vie. Un thème diffus, mais rendu très manifeste dans une scène habile, campée dans un aéroport, qui résume en accéléré les principales étapes de l’existence d’un couple : rencontre, mariage, enfants, et on recommence… L’ajout discret d’accessoires servant à vieillir les personnages est ingénieusement réglé, au milieu du va-et-vient des voyageurs.

Parlant du cercle de la vie, la figure circulaire est d’ailleurs récurrente, cirque oblige. On a droit ainsi à de gracieuses acrobaties au cerceau par Katarína Sobinkovičová, au beau numéro de roue Cyr de Bobby Cookson (malgré une petite perte de maîtrise au début). Au fil du spectacle, plusieurs techniques circassiennes sont déployées avec succès : numéro d’équilibristes de main à main performé par Myriam Deraiche et Samuel Charlton, habiles jongleries avec divers objets, dont des pièces de vêtements…

Soutenu par les éclairages de Nicolas Descoteaux et la musique signée par le duo Gustafson (Adrien Bletton et Jean-Philippe Perras), Paperplane offre davantage que la simple addition de numéros, nous immergeant dans un univers qui, à défaut d’éclairer un sens, happe dans sa logique propre et séduit par ses images. Le tout dans une ambiance parfois bon enfant, où se dégage une réelle complicité entre les interprètes, qu’ils communiquent à la salle.

Paperplane

Une création de Frédéric Bélanger et Émilie Émiroglou. Mise en scène : Frédéric Bélanger. Direction de création : Émilie Émiroglou. Production : Théâtre Advienne que pourra. Au théâtre Alphonse-Desjardins, à Repentigny, jusqu’au 22 juillet.

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