«Les malheurs de Sophie»: ode à l’enfance turbulente

«Les Malheurs de Sophie», de la comtesse de Ségur, sur la scène du théâtre ambulant La Roulotte
Mathieu Sparks, Ville de Montréal «Les Malheurs de Sophie», de la comtesse de Ségur, sur la scène du théâtre ambulant La Roulotte

« As-tu déjà mangé du gazon ? As-tu déjà écrasé des fourmis ? Coupé les moustaches d’un chat ? Écrit sur le mur avec un Sharpie ? » Dans une adresse directe aux petits spectateurs attentifs, étonnés et enjoués, Sophie (Elizabeth Mageren) énumère les différentes bêtises qu’elle a déjà commises. Mais cet été, affirme-t-elle, ce sera différent. Elle promet d’être sage. Une promesse difficile à tenir, surtout lorsqu’une certaine Marguerite, petite fille modèle, débarque au chalet familial et renverse ses plans.

Dans une adaptation libre du classique de la comtesse de Ségur écrit en 1858, Pascale St-Onge reprend quelques personnages de la trilogie — Les malheurs de Sophie, Les petites filles modèles et Les vacances — et campe le décor dans celui des vacances. Sur scène, l’enfance est reine. Seule adulte à se faire entendre et voir est la mère de Sophie qui apparaîtra à quelques reprises sous forme de mannequin jouée et manipulée avec humour par Amélie Clément. Tout l’espace laisse libre cours à la liberté, à la spontanéité de la relation entre cousins et cousines, à l’amitié, aux mésententes et bien sûr, aux nombreuses bêtises et jalousies suscitées par Sophie. On retiendra notamment cette poupée de cire, blanche, offerte par son père, qu’elle décide d’asseoir au soleil afin de lui redonner un teint rosé. Malheur, alors qu’elle s’amuse avec Paul (Xavier Bergeron), elle oublie la poupée qui fond sous l’effet de la chaleur. L’effet réussi fera réagir les enfants présents au parc Campbell, dont un qui se demande « comment ils ont fait pour faire brûler sa tête ».

Dans une langue et des références adaptées au XXIe siècle, St-Onge garde l’essence de cette fillette débordante de vie, sensible et qui ne demande, au fond, qu’à s’amuser et à être aimée. Elizabeth Mageren joue à cet effet une Sophie audacieuse, délurée, mais si attachante, et prête à tout pour éloigner sa rivale estivale, la trop parfaite Marguerite (Caroline Payeur) que tout le monde semble apprécier.

Indomptable nature

 

Si l’histoire revue par St-Onge a tout pour toucher les spectateurs et réconcilier les parents avec les beautés d’une enfance turbulente, la mise en scène de Justin Laramée s’arrime tout autant à la vivacité et à la marginalité du personnage de Sophie. Bris du quatrième mur, arrêt des scènes pour réfléchir à la suite, retournements dans le déroulement de la pièce, utilisation fine et ingénieuse de la scène de La Roulotte, le spectacle est une suite de rebondissements, d’étonnements, à l’image du personnage coloré de la comtesse de Ségur. Les comédiens s’arrêteront d’ailleurs un instant pour se demander s’ils peuvent vraiment présenter de telles choses aux enfants : Sophie gonfle et fait éclater notamment une balloune verte, simulant une grenouille, déchire la « robe préférée de tout l’été » de sa cousine Camille, etc.

Et la nature, en phase avec cette pièce entrecoupée d’explications, de détails, en phase aussi avec cette indomptable Sophie, avec son caractère imprévisible, s’est manifestée quelque dix minutes avant la fin. Le ciel menaçant et chargé a forcé les organisateurs à mettre fin à cette représentation énergique. Heureusement, c’est à voir, ou à revoir, dans les parcs de la ville de Montréal jusqu’à la fin août.

Les malheurs de Sophie

Texte : Pascale St-Onge, d’après la comtesse de Ségur. Mise en scène : Justin Laramée. Distribution : Xavier Bergeron, Amélie Clément, Samuel Guay, Elizabeth Mageren et Caroline Payeur. Musique et conception sonore : Annie Préfontaine. Une production de la Ville de Montréal en partenariat avec l’École nationale de théâtre du Canada, le Conservatoire d’art dramatique de Montréal et le Centre des auteurs dramatiques. Présenté dans les parcs de la ville jusqu’au 18 août.

Les malheurs de Sophie

Texte : Pascale St-Onge d’après la comtesse de Ségur. Mise en scène : Justin Laramée. Distribution : Xavier Bergeron, Amélie Clément, Samuel Guay, Elizabeth Mageren et Caroline Payeur. Musique et conception sonore : Annie Préfontaine. Une productionde la Ville de Montréal en partenariat avec l’École nationale de théâtre du Canada, le Conservatoire d’art dramatique de Montréal et le CEAD. Présenté dans les parcs de la ville jusqu’au 18 août.

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