«La cuisine de Yannicko»: une comédie qui laisse sur sa faim

Présentée au théâtre du Vieux-Terrebonne, « La cuisine de Yannicko » met en vedette une sorte de sous-Ricardo.
Photo: Jean-Charles Labarre Présentée au théâtre du Vieux-Terrebonne, « La cuisine de Yannicko » met en vedette une sorte de sous-Ricardo.

Louis Saia et Pierre Huet avaient fait équipe l’été dernier pour adapter sur scène la légendaire comédie de situation Symphorien. Fort du succès du spectacle, le duo d’auteurs chevronnés s’est remis aux fourneaux, cette fois avec une création originale. Présentée au théâtre du Vieux-Terrebonne, La cuisine de Yannicko s’inspire de la popularité des émissions culinaires et met en vedette une sorte de sous-Ricardo — personnalité qui nous réserve d’ailleurs une surprise… Mais la comédie nous laisse sur notre faim, c’est le moins qu’on puisse dire.

La pièce nous fait assister à quelques enregistrements, mais surtout à ce qui se mijote en coulisses. Le chef Yannicko (Bobby Beshro) devient vaniteux, anxieux et difficile dès que les caméras s’éteignent. Et afin de vitaminer ses cotes d’écoute faméliques, une nouvelle productrice très tranchante (Sylvie Moreau) impose à l’animateur un partenaire plus au goût du jour : son propre fils, Ronaldo. Un flashy « mixologue » style Beach Club au vocabulaire aussi approximatif que franglais qui devient, évidemment, une sensation sur les médias sociaux.

La pièce, très soutenue par la vidéo, ne manque pas d’ambition. Mais on se demande : que voulait-on satiriser, au juste, dans cette comédie qui s’étire en longueur ? La parodie du show culinaire aurait facilement pu aller plus loin, être plus corrosive, il me semble. Le récit, qui comprend une douzaine de personnages, s’éparpille, notamment dans une trame secondaire dont on comprend mal l’intérêt, avec la fille policière de Yannicko. Certaines scènes semblent avoir pour but d’étoffer ou d’humaniser les deux protagonistes. Ainsi, ce dialogue lourdement psychologique en fin de parcours, intégrant un flash-back d’enfance — censé expliquer l’attitude de la productrice ? —, qui paraît incongru.

Manque de punch

Un peu comme si les auteurs n’avaient pas décidé quel genre de pièce ils voulaient faire, entre ces tentatives d’approfondissement mal intégrées et une comédie vieillotte s’appuyant essentiellement sur des personnages secondaires caricaturaux, plutôt que sur l’esprit des réparties (les bonnes lignes se font rares). À l’arrivée, le spectacle manque de punch. Et passons sur les quelques blagues vieilles ou douteuses, notamment sur la réalisatrice lesbienne ou la sextapequ’a jadis tournée la productrice.

Peut-être que ce qui ressort surtout de la pièce, c’est la caricature qu’on cherche à tracer de l’époque actuelle, une ère où les réseaux sociaux érigent en vedette un être superficiel et ignare comme Ronaldo. Et il faut admettre que le jeune comédien Émile Dufour y va à fond de train, faisant du personnage une jouissive caricature sur deux pattes. Il dynamise les scènes où il apparaît, notamment grâce à sa performance de comédie physique dans l’art de brasser les cocktails.

Pour sa part, Joanie Guérin (admirée récemment dans l’ô combien différent Insoutenables longues étreintes au théâtre Prospero…) donne malgré tout une fraîcheur assez charmante à son assistante maladroite. France Parent et Claude Tremblay se transforment dans leurs multiples compositions stéréotypées. Ce dernier parvient à engager le public en jouant un animateur de foule niais. Quant à Sylvie Moreau, la comédienne est égale à elle-même, mais dans un rôle où son talent se retrouve plutôt gaspillé.

Le spectacle mis en scène par Louis Saia déploie pourtant un luxe de moyens : la pièce campée dans un studio télévisuel s’appuie largement sur la vidéo, avec trois écrans sur scène, ce qui permet des vues extérieures, d’incorporer des scènes dans d’autres lieux. Les séquences — réalisées par Pierre Séguin — décrivant l’ascension de Ronaldo ou sa publicité au slogan aussi irrésistible qu’improbable sont d’ailleurs réussies. On a même filmé quelques célébrités, dont Claude Meunier, qui viennent faire des apparitions inattendues et parfois amusantes. Mais il manque un ingrédient essentiel à La cuisine de Yannicko : un bon texte.

La cuisine de Yannicko

Texte : Louis Saia et Pierre Huet. Dialogues : Louis Saia, Yvon Landry et Pierre Huet. Mise en scène : Louis Saia. Spectacle des Productions Martin Leclerc et ComédiHa ! Au théâtre du Vieux-Terrebonne, jusqu’au 26 août. À la salle Albert-Rousseau, à Québec, le 24 septembre.

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