«Hosanna ou la Shéhérazade des pauvres»: Hosanna en trois temps

Une scène de la pièce «Hosanna ou la Shéhérazade des pauvres»
Stéphane Bourgeois Une scène de la pièce «Hosanna ou la Shéhérazade des pauvres»

Le Trident ouvre sa saison avec Hosanna ou la Shéhérazade des pauvres, collage inédit de deux oeuvres de Michel Tremblay qui revient, un demi-siècle plus tard, sur les personnages d’Hosanna et de Cuirette.

La mise en scène de Maxime Robin (Les contes à passer le temps), qui se voit confier le premier plateau d’Olivier Arteau à titre de directeur artistique, fait preuve d’audace : le choix de l’homme de scène Luc Provost (Mado Lamotte) au jeu, d’abord, puis la fusion que constitue cet Hosanna ou la Shéhérazade des pauvres. À l’Hosanna de 1973 le spectacle greffe le roman La Shéhérazade des pauvres (2022), dans lequel Michel Tremblay redonne voix au personnage d’Hosanna.

Aux années 1960 et à la découverte d’une sexualité inexplorée s’ajoute le récit contemporain d’un homme à l’éclat terni. Le spectacle nous le présente sur son balcon, vieilli et sans artifice, à l’occasion d’une entrevue accordée au magazine Fugues. Si ses couches de jeu apparaissent plus limitées, Luc Provost offre un Claude Lemieux d’autant plus élimé, qui revient sur ses jeunes années dans les clubs de la Main, jusqu’à cette soirée d’Halloween où il s’est travesti en Cléopâtre, simplement pour être moqué.

Sur une scène centrale aux stations diverses (le magasin Ogilvy et ses robes désirées, la scène du « club à Sandra », le petit appartement de Cuirette et d’Hosanna), dans une ambiance festive émaillée d’archives sonores (l’ouverture d’Expo 67 et du métro de Montréal, le passage du général de Gaulle à l’hôtel de ville), le comédien Vincent Roy (Cabaret) prend le relais pour interpréter ces souvenirs jusqu’au moment du rêve brisé.

Entrer tout à fait dans le récit pourra prendre du temps, vu cette alternance entre les événements et leur narration, qui se fait côté cour dans une discussion légèrement figée. Cela n’exclut pas une scène vivante, où Valérie Laroche et Jonathan Gagnon s’illustrent : au chant pour la première, entre Dufresne et Elvis, et dans la peau d’une Sandra perfide et spectaculaire pour le second.

Le choc des générations

 

Au fil des différentes stations du spectacle émergeront cependant les moments forts — les moments d’intimité entre Hosanna et Cuirette, surtout. Si le jeu de Vincent Roy pourra manquer de complexité parfois, il s’en dégage une vulnérabilité qui fera mouche, devant un Gabriel Fournier parfait de banalité, épais, mais pas dénué de présence. La scénographie d’Ariane Sauvé, qui convie les lumières de Montréal et sa chaleur, offre un riche écrin où les corps se cherchent et où la parole avance difficilement.

Ici, le spectacle déploie une matière humaine ambiguë et complexe, sur les mots d’un auteur connu pour sa capacité à accompagner ses personnages au plus près, à descendre jusqu’à eux.

Reste à s’interroger sur la direction souhaitée par Maxime Robin à ce spectacle, qui, côté cour, creuse l’angle du « choc des générations », ce qui inclut une entrevue qui place Hosanna face aux nouveaux discours sur l’identité de genre. Les doutes du personnage, ses hésitations toujours actives trouveront un cadre étroit dans les nouvelles appellations. « Je suis un iel, maintenant… », lancera un Hosanna âgé, sans trop de conviction. Le spectacle, qui n’offre sur ce point aucune réconciliation, montre surtout combien le portrait a changé.

La clé sans doute est à trouver dans l’ajout d’un troisième comédien (Josef Asselin et Philomène Robitaille, en alternance) pour interpréter le Claude de la jeunesse et sa découverte d’une sensibilité réprouvée. La scène offre ainsi non plus deux, mais trois niveaux, dont le metteur en scène usera, de jolies passerelles télescopant l’enfant dans l’adulte. Pour cette histoire de plaies toujours ouvertes, le spectacle cherchera à offrir un espace d’amour et d’acceptation.

Hosanna ou la Shéhérazade des pauvres

Texte : Michel Tremblay. Mise en scène : Maxime Robin. Avec Vincent Roy, Luc Provost, Josef Asselin, Gabriel Fournier, Jonathan Gagnon, Jacques Leblanc, Valérie Laroche, Carla Mezquita Honhon, Philomène Robitaille. Une production du Trident, jusqu’au 7 octobre.

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