«Grandeur minimale requise»: la grande roue du pouvoir

Une scène tirée de la pièce «Grandeur minimale requise»
Photo: François Larivière Une scène tirée de la pièce «Grandeur minimale requise»

Il peut être risqué pour un artiste de revenir sur un succès, la comparaison avec l’oeuvre précédente étant inévitable. En 2015, Simon Boudreault avait fait mouche avec une pièce estivale transposant d’intenses luttes de pouvoir, dignes de personnages shakespeariens, dans un milieu récréatif plutôt associé à la légèreté. Il fait revivre cet univers original à Boisbriand dans Grandeur minimale requise, une production du Petit Théâtre du Nord, qui célèbre ses 25 années d’existence, durant lesquelles il a monté des créations québécoises en été.

En cas de pluie, aucun remboursement racontait l’ascension irrésistible d’un ambitieux, à force de ruses, à la tête d’un parc d’attractions. Huit ans plus tard, le « bossu boss » (Lucien Bergeron) règne toujours sur le Royaume du Super Fun. Mais la révolte gronde chez ses subalternes, et l’entreprise ne fait plus recette. Entre donc en scène une consultante en marketing (Sarah Cloutier Labbé) et son assistant (Luc Bourgeois, flamboyant), chargés de remettre sur pied l’empire du divertissement.

Dans Grandeur minimale requise, on renoue aussi avec les figures typées, mais un peu changées, bien campées par Sébastien Gauthier, Louise Cardinal et Mélanie St-Laurent. Ces employés insatisfaits décident d’organiser la Résistance (lire un syndicat), soutenus par une recrue idéaliste (convaincant Jérémie St-Cyr). Une addition heureuse à ce microcosme théâtral, qui répond au prénom de Tybalt. L’inspiration shakespearienne est en effet manifeste — notamment par ces scènes de spectre — dans cette pièce, où le dramaturge s’amuse à pasticher les grands, y compris une fameuse tirade de Cyrano de Bergerac.

Avec ce réseau de conspirations et d’alliances, Simon Boudreault satirise, comme il s’en est fait une spécialité, les relations au sein d’un milieu de travail — mais dans un style plus proche d’un univers à la Game of Thrones que de La Ronde… Cette transposition est bien faite. Le problème, c’est que la longue édification de l’intrigue et la description des multiples machinations des personnages tendent à rendre la comédie passablement verbeuse. On peut regretter aussi que le machiavélique bossu, véritable émule de Richard III dans En cas de pluie…, ait perdu de son intérêt maintenant qu’il est au sommet de la pyramide — et qu’il a trouvé son « âme soeur » en manipulation chez la consultante.

Par contre, la mise en scène de Boudreault s’illustre toujours par son inventivité et son sens du comique visuel. Elle donne lieu à certains numéros divertissants. Comme la scène d’introduction, qui retrace l’historique du parc de manière amusante. Et sous le décor coloré de Francis Farley, les différents manèges du parc d’attractions où se déroule l’action sont exploités habilement, des autos tamponneuses à un jeu de fléchettes illustrant l’affrontement entre personnages. Simon Boudreault met aussi à profit son expériencede marionnettiste dans le désopilant numéro de la glissade d’eau, summum humoristique du spectacle.

Si ce nouvel opus risque de ne pas susciter tout à fait autant de surprise et de rires que l’avait fait la première incarnation du Royaume du Super Fun, il reste que ce petit monde récréo-shakespearien, à la fois sombre et farfelu, méritait bien un deuxième tour de manège.

Grandeur minimale requise

Texte et mise en scène : Simon Boudreault. Création du Petit Théâtre du Nord. Au Centre de création de Boisbriand, jusqu’au 26 août.

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