«Belmont»: cinq femmes pour une chanteuse

Le rose, couleur célébrée par Diane Dufresne bien avant Barbie, est omniprésent dans la mise en scène.
Thierry du Bois Le rose, couleur célébrée par Diane Dufresne bien avant Barbie, est omniprésent dans la mise en scène.

Drapée dans ses multiples costumes, Diane Dufresne a eu plusieurs vies. On l’a connue rockeuse, diva, amoureuse, philosophe, peintre, poète. Pour illustrer la vie de la chanteuse dans le spectacle Belmont, qui prenait l’affiche cette semaine au Centre d’art Diane-Dufresne de Repentigny, Jade Bruneau a choisi cinq chanteuses et comédiennes, incarnant tour à tour « la petite fille » (Laur Fugère), « la folle » (Geneviève Alarie), « la diva » (Catherine Sénart), « l’artiste » (Catherine Allard) et « l’amoureuse » (Laetitia Isambert). Un seul homme sur scène, Pierre-Olivier Grondin, qui incarne tour à tour l’homme aimant et aimé, « le clown » et le narrateur.

L’heure est rose, en cette époque barbiesque. Cette couleur, Diane Dufresne l’avait célébrée bien avant, avec cette Magie rose qu’elle avait conviée au Stade olympique de Montréal, dans un spectacle présenté en 1984 devant 55 000 personnes toutes de rose vêtues. Elle était alors la première artiste québécoise à conquérir le Stade.

Ce filon, la mise en scène de Bruneau, du Théâtre de l’Oeil ouvert, l’a exploité abondamment, à l’excès, un peu comme si toute la carrière de la chanteuse tenait dans cette seule couleur. Mais Diane Dufresne n’a-t-elle pas aussi chanté en blanc, en noir, en gris, en vert, voire seins nus, avec les fleurs de lys peintes sur la poitrine ?

Cri et vérité

 

La trame narrative de la pièce présente une femme qui ose, dont le cri et la vérité, que tous ont d’abord voulu faire taire, finissent par percer, traçant la voie à d’autres femmes après elle. Ce cri et ce coffre, entendus au Québec dès l’époque de Tiens-toi ben, témoignent de la puissance spectaculaire de la chanteuse. Ils sont repris ici à différents diapasons, avec beaucoup d’adresse, dans la voix des diverses comédiennes. Mais la pièce ne livre que des extraits des plus belles chansons de Diane Dufresne, coupant court au plaisir de les entendre encore. Comme le veut son titre, le spectacle atteint son climax avec la pièce Le parc Belmont, signée Luc Plamondon, et livrée ici par Geneviève Alarie. « Vous allez voir si j’suis folle /Non, j’veux pas mettre la camisole ».

Contenir la vie d’une femme, surtout celle d’une femme comme Diane Dufresne, n’est pas une mince affaire. Et Belmont n’en livre malheureusement pas toute la complexité. Il y a de très belles envolées dans le spectacle, comme la mise en scène de J’ai besoin d’un chum, par exemple, qui illustre la relation ambiguë de Diane Dufresne avec les hommes. La trame de la pièce exprime d’ailleurs clairement la maturité amoureuse que Dufresne finira par trouver, vraisemblablement auprès de Richard Langevin, son conjoint actuel, qu’on devine ici incarné par Pierre-Olivier Grondin.

Diane Dufresne aurait eu besoin de multiples corps pour vivre une vie à la hauteur de ses attentes, nous dit la pièce. Et si Jade Bruneau a réuni ici de très belles voix, force est d’admettre que même cinq femmes et un homme n’arriveront pas à livrer la formidable présence de la chanteuse, qui contenait toutes ces vies en une seule. Comme le disait si bien sa chanson Hollywood Freak : « Faut qu’y en ait une qui le fasse / Pis je laisserai pas ma place ». Là-dessus, encore, Diane Dufresne, la seule, la vraie, ne s’est pas trompée.

Belmont

Mise en scène, idéation et adaptation : Jade Bruneau. Création musicale et composition originale : Audrey Thériault. Textes : Laurence Régnier. D’après l’oeuvre de Diane Dufresne. Avec Geneviève Alarie, Catherine Sénart, Laur Fugère, Laetitia Isambert, Catherine Allard et Pierre-Olivier Grondin. Une production du Théâtre de l’Oeil ouvert et du Théâtre Advienne que pourra. Au théâtre Alphonse-Desjardins, à Repentigny, jusqu’au 26 août.

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