Ils sont prêts!

L’Orchestre métropolitain, dirigé par Yannick Nézet-Séguin, a joué et enregistré, samedi, une admirable «2e Symphonie» de Sibelius.
Photo: François Goupil L’Orchestre métropolitain, dirigé par Yannick Nézet-Séguin, a joué et enregistré, samedi, une admirable «2e Symphonie» de Sibelius.

Le concert de rentrée de l’Orchestre Métropolitain et Yannick Nézet-Séguin, samedi, affichait le programme joué en mars prochain à Carnegie Hall. C’était aussi l’occasion de poursuivre l’intégrale Sibelius avec l’enregistrement de la Symphonie no 2. Le haut niveau atteint par l’ensemble et la complicité avec les solistes Bruce Liu et Chris Derksen a dû largement satisfaire le chef québécois.

On peut imaginer que l’éditeur Atma, qui collabore avec l’Orchestre Métropolitain depuis vingt ans, fera tout pour publier sa Symphonie no 2 de Sibelius au moment du concert à Carnegie Hall. Pour donner un peu plus de respiration au son, la canopée avait été légèrement remontée. Contrairement aux disques précédents, aucun rideau n’avait été tiré, car la salle était pleine à craquer.

Méticuleux

Ce fut une très belle et préméditée exécution de la symphonie, tout à fait en ligne avec ce qui préside à la réalisation du cycle de Yannick Nézet-Séguin jusqu’ici : un respect admirable, et sans débordements expressifs, des indications de Sibelius. Il n’y a plus là de post-Tchaïkovski, mais une pensée symphonique sibélienne propre, qui se déploie par enflements et ressacs.

L’art, lorsqu’on n’en rajoute pas dans « l’adrénaline expressive », est de parfaitement étager les montées en puissance, de gérer une fluide complémentarité des vents, de rendre très subtiles les indications pp ou ppp et très mordants les changements de dynamiques subits. Yannick Nézet-Séguin et le Métropolitain ont agencé tout cela de manière remarquable. Le fait que, dans le mouvement lent, le solo de flûte ne réponde pas au même niveau d’intensité au solo de trompette sera sans doute équilibré au disque.

Par ailleurs, on ne se lassera jamais de remercier Yannick Nézet-Séguin d’avoir trouvé (au premier jour !) la disposition parfaite des contrebasses sur cette scène. Dans la Deuxième de Sibelius, cela payait à plusieurs moments, par exemple dans la texture du début du 2e mouvement (où, pourtant avertis de l’enjeu du disque, des tousseurs se sont livrés à un concours d’entrée au sanatorium du coin), mais même, aussi, au début de la coda finale, où, chose rare, on entendait leurs pizzicatos arrachés.

Impossible de distinguer tel pupitre plutôt que tel autre : émouvant hautbois, impeccables trompettes, cors parfaits, timbale apportant une ossature splendide et toujours juste. On a hâte de réentendre cela au disque pour vérifier si, de la mécanique musicale, naissent des atmosphères aussi palpables dans les deux premiers volets que dans les deux derniers.

Hommage à un grand

Bruce Liu a remporté un immense succès dans le 2e Concerto de Rachmaninov. Avec raison. Pianiste cultivé, il a fait planer l’ombre du géant Emil Gilels sur son rappel en choisissant la transcription par Siloti du Prélude en si mineur de Bach, un des rappels préférés de Gilels, joué avec tout le scintillant requis. La vision de Bruce Liu du 2e de Rachmaninov nous rappelle fortement celle de Denis Kozhukhin cet été à Lanaudière.

Il est intéressant d’entendre cette jeune génération de pianistes respecter Rachmaninov et ses intentions, de manière beaucoup plus sobre, sans faire de circonlocutions pour s’approprier le propos (écoutez nombre d’anciens, par exemple Richter). Kozhukhin était plus massif, là où Liu est plus félin sans perdre de carrure (cf. la marche du 1er mouvement). Magnifique moment de l’interprétation de Liu et Nézet-Séguin : le 3e mouvement avec des contrastes de tempos, des envolées généreuses et, surtout, un dosage parfait des cors dans les trois dernières minutes, ce qui est aussi évident que rare.

Lorsque Fabienne Voisin, p.-d.g. de L’OM, nous a annoncé en anglais à la fin de son discours liminaire qu’elle nous laissait « in God’s hands » et que sur ce fait Yannick Nézet-Séguin est apparu, ce dernier nous a notamment appris que l’OM établissait désormais comme tradition d’ouvrir ses saisons par une oeuvre d’une compositrice autochtone. L’artiste bispirituelle Cris Derksen a composé Controlled Burn pour son violoncelle amplifié et orchestre. C’est une partition efficace autour d’épisodes distincts, éloquents (crépitement du feu), mélodiques et spectaculaires, le violoncelle amplifié pouvant accompagner, combattre ou colorer l’orchestre. N’ayant aucune idée préconçue, nous étions simplement surpris de découvrir que la musique autochtone avait autant de points communs avec les partitions hollywoodiennes composées par Howard Shore ou Patrick Doyle. Dépaysement minimal, efficacité assurée.

Rencontre au sommet

Cris Derksen : Controlled Burn. Rachmaninov : Concerto pour piano n° 2. Sibelius : Symphonie n° 2. Orchestre Métropolitain, Yannick Nézet-Séguin. Maison symphonique, le 16 septembre 2023.

À voir en vidéo