Conditions de travail des infirmières: «ça prend un coup de barre», clame la FIQ

Miriane Demers-Lemay
Collaboration spéciale
La FIQ demande notamment la hausse des salaires en accord avec l’inflation, ainsi que d’éliminer le recours à la main-d’oeuvre des agences privées de placement et au temps supplémentaire obligatoire.
Photo: Valérian Mazataud Archives Le Devoir La FIQ demande notamment la hausse des salaires en accord avec l’inflation, ainsi que d’éliminer le recours à la main-d’oeuvre des agences privées de placement et au temps supplémentaire obligatoire.

Ce texte fait partie du cahier spécial Syndicalisme

À bout de souffle, les infirmières et autres professionnels en soins pourraient bien déclencher une grève cet automne, si aucune entente n’est trouvée rapidement entre Québec et la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ). Alors que la province s’apprête à mettre en branle une réforme de la gouvernance du réseau de la santé, les négociations liées aux conditions de travail du personnel soignant s’éternisent depuis novembre dernier.

« Le statu quo est impossible, affirme Julie Bouchard, présidente de la FIQ, au téléphone. S’il n’y a pas d’ouverture de la part du gouvernement, pas d’écoute ni de volonté de vraiment changer les choses, inévitablement, ce sera un automne qui sera très chaud, puisque les professionnels en soins demandent d’être respectés, d’avoir de meilleures conditions de travail et qu’ils sont prêts à aller jusqu’au bout [à déclencher une grève]. »

La FIQ a déposé ses revendications en novembre 2022, avant l’échéance des conventions collectives en mars. Le syndicat tente d’améliorer les conditions de travail et de permettre une meilleure conciliation avec la vie de famille et la vie personnelle de ses 80 000 membres infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes et perfusionnistes cliniques. Près de 90 % des membres de la FIQ sont des femmes.

« Depuis trop longtemps, c’est une surcharge de travail qui ne fonctionne pas du tout, qui fait en sorte qu’on a des difficultés à offrir des soins de qualité et sécuritaires à la population, vu le nombre important de patients que l’on a sous notre responsabilité », explique la représentante syndicale.

Julie Bouchard donne l’exemple d’une mère qui avait demandé un congé, six mois à l’avance, pour assister au mariage de sa fille. Le congé lui a été refusé à la dernière minute. Les exemples du genre sont légion, déplore la représentante syndicale. Celle-ci insiste : ces conditions de travail érodent l’attractivité de la profession et la rétention des employés.

La FIQ demande notamment une hausse des salaires en fonction de l’inflation ainsi que l’élimination du recours à la main-d’oeuvre des agences privées de placement et aux heures supplémentaires obligatoires. « S’il y a quelque chose qui tue notre profession, c’est de ne pas savoir à quelle heure on quitte notre milieu de travail pour pouvoir avoir une vie familiale ou personnelle, indique Julie Bouchard. Les heures supplémentaires obligatoires sont utilisées comme mode de gestion pour pallier la pénurie de professionnels en soins. Ça doit cesser. »

La FIQ fait également pression pour qu’on adopte une loi déterminant des ratios sécuritaires professionnels en soins/patients. Une seule infirmière peut ainsi avoir jusqu’à 100 résidents à sa charge lors d’un quart de nuit dans un centre d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD), estiment les conseillers en résidence du Québec sur leur blogue Résidences Québec.

« Le gouvernement dit qu’on ne peut pas mettre ça [des ratios] en place, parce qu’il n’y a pas assez de monde, que la pénurie est trop importante, soupire Julie Bouchard. Il n’y a jamais eu autant d’infirmières inscrites au Québec qu’aujourd’hui. Elles sont où, ces infirmières ? Elles sont inévitablement ailleurs que dans le réseau public ! Si on attend d’avoir assez de soignantes pour pouvoir mettre des choses de l’avant, le réseau public de la santé va vivre un crash incroyable. »

Depuis plusieurs mois, les négociations avancent à « pas de tortue », selon la présidente de la FIQ. Aucune entente n’a été trouvée, déplore-t-elle, ne serait-ce que pour une seule des revendications de la FIQ. Le 21 août, Julie Bouchard a rencontré le premier ministre, François Legault, et la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel. Lors de cette rencontre, le gouvernement caquiste a promis d’accélérer le rythme des négociations.

Plus de défis à venir avec le projet de loi 15

Les négociations entre la FIQ et Québec ont lieu alors que le gouvernement caquiste prévoit d’adopter une réforme en profondeur du système de la santé avec le projet de loi 15. La réforme prévoit de centraliser la gouvernance au sein d’une nouvelle agence, Santé Québec. Elle permettrait notamment au personnel soignant de se déplacer plus facilement entre des établissements. Mais selon la présidente de la FIQ, la réforme n’aidera pas à résoudre la crise actuelle, bien au contraire.

« Ce n’est pas le temps de mettre ça en place, quand il y a tellement de problèmes dans le réseau de la santé et qu’on devrait s’assurer d’être capables de donner des soins sécuritaires à la population, croit Julie Bouchard. [Depuis le projet de loi 10 de 2015], il n’y a rien qui roule encore rondement, et on arrive avec une réforme encore plus grosse. Malheureusement, dans ce projet de loi, il n’y a rien qui est bénéfique pour les professionnels en soins, pour l’accessibilité aux soins pour la population. Ce n’est que de la gouvernance. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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