La loi de Moore n’est plus, vive la… loi de Moore!

Le processeur M2 d'Apple est un carré gris qui a l'air tout petit à l'intérieur du boîtier d'un Mac Pro
Photo: Le processeur M2 d'Apple est un carré gris qui a l'air tout petit à l'intérieur du boîtier d'un Mac Pro

La loi de Moore n’en est pas une. C’est une image simple utilisée depuis plusieurs décennies qui résume l’évolution de l’informatique. Les ordinateurs plus récents tendent à dévier de cette loi, mais on ne peut pas dire que c’est la fin du progrès technologique. Au contraire.

L’observation d’abord faite en 1965 par Gordon Moore, cofondateur d’Intel, aura pris une dizaine d’années avant de devenir la loi de Moore. Sa prédiction portait essentiellement sur la miniaturisation des circuits imprimés. Il estimait que le nombre de transistors qu’il était possible d’entasser sur une puce informatique doublait tous les 18 à 24 mois.

Au fil des ans, on l’a réinterprétée de manière à parler du progrès plus général des technologies informatiques, sans cesse plus puissantes grâce à des processeurs toujours plus petits et plus efficaces.

Une loi à bout de souffle

Or, la loi de Moore est remise en question depuis quelques années. Un peu déçues de l’incapacité d’Intel à suivre sa propre cadence, des sociétés comme Apple, Google et Microsoft ont commencé à produire en interne leurs propres processeurs. Le fabricant de cartes graphiques Nvidia en a profité de son côté pour s’immiscer dans des secteurs technologiques en émergence, comme le minage de cryptomonnaie et l’intelligence artificielle.

Le résultat est qu’aujourd’hui, les nouveaux processeurs informatiques ne comptent pas tous le double des transistors de leurs prédécesseurs. Mais ils apportent un niveau de performance supérieur, à tel point qu’on arrive ces jours-ci à un stade où les limites de l’informatique ne sont plus matérielles. Elles sont humaines.

Des virgules flottantes à la tonne

On voit bien ces jours-ci, avec des applications d’IA comme ChatGPT et des ordinateurs personnels comme les nouveaux Mac Studio et Mac Pro d’Apple, que leur seule limite est l’imagination de leurs utilisateurs. Si la miniaturisation des circuits imprimés a atteint une certaine limite, les gains de performance ne sont pas près de s’arrêter.

Présentés par Apple il y a une dizaine de jours en Californie, les processeurs M2 de ses nouveaux Mac Studio et Mac Pro en font la preuve. Ce processeur a vu le jour à l’été 2022 et compte 20 milliards de transistors. La puce M1, sa prédécesseure, a été mise en marché 18 mois plus tôt, à l’automne 2020. Elle comptait 16 milliards de transistors.

Sous le capot du Mac Studio, Apple combine plusieurs de ces puces pour créer un processeur multicoeur extrêmement puissant. Dans sa configuration la plus musclée, ce Mac peut exécuter jusqu’à 27,2 billions (27 200 milliards) d’opérations en virgule flottante chaque seconde, soit 27,2 téraflops.

C’est énorme. À titre indicatif, le premier supercalculateur à franchir la barre du téraflops a vu le jour en 1996. En 2004, l’ordinateur le plus puissant sur la planète appartenait à la société japonaise NEC et s’appelait Earth Simulator. Il atteignait une puissance de près de 36 téraflops. Ce supercalculateur occupait un espace de 65 mètres sur 50 mètres.

Le Mac Studio a environ la taille d’un dictionnaire.

La force du nombre

Le processeur d’Apple est assez puissant pour prendre à son compte, sinon dans la forme, au moins dans l’esprit, la loi de Moore. Il est aussi modulaire. Par exemple, sa déclinaison M2 Ultra combine simplement deux processeurs M2 Max (sa version « intermédiaire ») fusionnés. Cela comprend aussi des coprocesseurs graphiques et une bande passante combinée de 800 gigaoctets par seconde qui donne un accès essentiellement instantané à une mémoire vive unifiée dont la capacité peut atteindre 192 gigaoctets.

Cette configuration fait qu’on ne voit plus la fameuse petite roulette aux couleurs de l’arc-en-ciel qui apparaissait régulièrement à l’écran des Mac plus anciens quand on exigeait de leur mécanique des tâches qui dépassaient leur capacité.

Nvidia a adopté un modèle pas tellement différent de celui-là pour s’imposer dans l’IA. Les puces de Nvidia ne sont pas aussi puissantes que celles d’Intel. Mais elles peuvent être jumelées en très grand nombre et exécuter une foule de calculs en même temps, exactement ce qu’il faut à une IA pour fonctionner de façon optimale.

Les personnes surprises de voir Nvidia grimper à la Bourse à un niveau qui s’approche de plus en plus de celui d’Apple, et qui laisse Intel et les autres dans loin derrière, ne saisissent probablement pas tout le potentiel de cette technologie. La limite, ici encore, est celle de leur imagination, plutôt que celle de la technologie.

Évidemment, ces processeurs ne sont pas parfaits. Par exemple, leur consommation d’énergie est énorme. L’IA derrière ChatGPT consomme autant d’électricité qu’un village d’environ 1500 ménages. Ce n’est pas rien, d’autant plus qu’on va voir ces IA se multiplier rapidement au cours des prochaines années.

Mais plusieurs sont prêts à payer ce prix pour accéder à une puissance de traitement que même Gordon Moore n’osait pas imaginer à son époque.

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