Solutions adaptées

J’écrivais la semaine dernière sur le sentiment de paralysie qui s’empare souvent des personnes qui cherchent à réfléchir aux changements climatiques. Pourtant, pour s’adapter aux phénomènes météorologiques extrêmes qui bouleversent le Québec, les solutions ne manquent pas. Voici donc quelques-unes des idées qui ont été lancées dans l’espace public sur le sujet dernièrement.

Protéger les milieux humides. Lorsqu’on permet l’étalement des banlieues dans ces milieux naturels, on nuit grandement à la résilience de toute une région face aux inondations qui seront plus fréquentes dans un climat plus instable. Les milieux humides abritent aussi une biodiversité importante, tout en absorbant le CO2 et en offrant un îlot de fraîcheur lorsqu’ils sont situés à proximité d’un milieu urbain. François William Croteau publiait d’ailleurs un texte sur la question dans Le Devoir le 12 juillet dernier.

Investir dans les réseaux d’égouts. On l’a vu jeudi dernier, après la tornade, la tempête et la pluie diluvienne qui se sont abattues sur le sud du Québec : nos infrastructures ne sont pas toutes prêtes à accueillir un tel niveau de précipitations. Or, il n’est pas particulièrement attrayant pour les candidats à la politique municipale de faire campagne en parlant d’égouts. Un peu partout au Québec, les investissements structurants dans ce secteur tendent à être repoussés, à la faveur de projets plus « sexy » et visibles aux yeux des citoyens.

Mieux assurer les agriculteurs. Avec la météo extrême de cet été, les récoltes de plusieurs agriculteurs ont été gâchées, ou sont en voie de l’être. Mercredi, un reportage de la CBC faisait d’ailleurs état de la situation. L’un des gros problèmes, c’est que la Financière agricole du Québec n’assure pas tout le monde, et les assurés ne sont pas couverts pour tous les types de dégâts. Et plus le climat sera déréglé, plus les risques pour ce secteur d’économie seront grands, plus il sera compliqué et coûteux d’assurer ou alors de rembourser tous les agriculteurs touchés. Il commence à être urgent de mieux protéger les agriculteurs en prenant acte des nouvelles réalités climatiques.

La climatisation n’est plus un luxe. Les personnes âgées et celles dont la santé est fragile, particulièrement lorsqu’elles vivent seules et dans la pauvreté, sont trop nombreuses à perdre la vie lors des canicules. On a beau mettre les lieux publics, comme les bibliothèques municipales, à la disposition des gens, le concept a ses limites. Et bien des espaces clés comme les hôpitaux, les écoles et les résidences pour personnes âgées restent mal climatisés.

On apprenait cette semaine dans Pivot que des détenus des prisons provinciales de Bordeaux et de Rivière-des-Prairies ont été maintenus en isolement dans leur cellule plus de 22 heures par jour pendant des journées de canicule. Non seulement l’isolement en soi contrevient aux droits des détenus, mais la chaleur contribue à l’inhumanité du traitement, et pourrait mener à des morts.

Protéger le réseau électrique. La dernière tempête de verglas a laissé, en avril dernier, plusieurs secteurs de Montréal sans électricité durant des jours. Mais au fond, on a été chanceux. Le réseau de distribution d’Hydro-Québec qui traverse les forêts québécoises n’a pas été touché par la tempête. Et au printemps, la glace a fondu tout de suite. On s’est donc évité le scénario cauchemar de 1998.

Au lendemain de la tempête, le premier ministre a expliqué qu’il serait trop coûteux d’enterrer tous les fils du Québec, et que plusieurs améliorations avaient déjà été faites depuis 1998. Certes. Sauf qu’à force de nous dire qu’on ne pourrait pas faire tout, on a fini par nous faire croire qu’on ne pouvait rien faire du tout. Donc, reposons la question : que pourrait-on faire de plus pour augmenter la résilience du réseau ?

Travailler l’efficacité énergétique. Pour vrai. Avec toutes les apocalypses qui nous sont tombées sur la tête, on a presque déjà oublié que les températures sont descendues à près de -50 °C cet hiver, avec le facteur vent, dans le sud du Québec. Les périodes de froid extrême peuvent aussi devenir plus nombreuses avec les changements climatiques, et avec l’électrification des transports, la pression sur Hydro-Québec ne fait qu’augmenter.

La vision du gouvernement, on le sait, est d’abord de construire de nouveaux barrages pour augmenter la capacité du réseau. Sauf que le Québec reste l’un des endroits au monde où il se gaspille le plus d’énergie par personne. Il y aurait tant à faire encore, tant dans le secteur résidentiel que commercial, pour augmenter notre efficacité énergétique, voire réduire nos « besoins », et donc notre consommation. Même si certaines initiatives existent déjà en ce sens depuis longtemps (des crédits d’impôt pour certains types de rénovations, par exemple), disons qu’on est loin du plan ambitieux dont on aurait véritablement besoin.

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Cette liste aurait pu être encore longue — très, très longue. On n’aura même pas parlé ici du verdissement des villes, du renforcement des berges ou encore des feux de forêt qui continuent à brûler dans plusieurs secteurs du Québec.

Terminons toutefois en rappelant qu’à l’automne dernier, les élus des dix plus grandes villes avaient fait front commun pour demander à Québec de financer un pacte vert de deux milliards par année, sur une période de cinq ans, pour financer l’adaptation des infrastructures aux changements climatiques. Bien que le gouvernement octroie une certaine aide aux municipalités via différents programmes, ses investissements demeurent bien en deçà des ambitions des mairesses et maires, qui voient de près l’impact des dégâts des derniers mois sur leur population.

Si je faisais partie de ce leadership municipal, je relancerais cette campagne dès la rentrée parlementaire. Et en haussant le ton, cette fois. Avec l’année qu’on vient de passer, l’appui populaire risque d’être autrement fort.

Anthropologue, Emilie Nicolas est chroniqueuse au Devoir et à Libération. Elle anime le balado Détours pour Canadaland.

Ce texte fait partie de notre section Opinion qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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