Devant le danger des feux de forêt, CBC/Radio-Canada prie Meta de débloquer les nouvelles

Nombre de citoyens ont pris l’habitude de s’informer à travers les comptes des médias sur les réseaux sociaux depuis des années, notamment les peuples autochtones.
Sean Kilpatrick La Presse canadienne Nombre de citoyens ont pris l’habitude de s’informer à travers les comptes des médias sur les réseaux sociaux depuis des années, notamment les peuples autochtones.

« Des vies sont en jeu. Le temps presse. »

C’est au tour de la grande patronne de CBC/Radio-Canada de prier Meta, la société mère de Facebook et d’Instagram, de cesser de bloquer les nouvelles sur ses plateformes dans les régions du Canada menacées par les feux de forêt afin que les citoyens restent bien informés dans cette « situation de crise ».

« Je vous prie de faire le choix humanitaire qui s’impose et de lever immédiatement le blocage des contenus canadiens d’information pour les communautés menacées par les feux de forêt », écrit la p.-d.g. de la société d’État, Catherine Tait, dans une lettre adressée au président des affaires internationales de Meta, Nick Clegg.

En réaction à la nouvelle loi sur les nouvelles en ligne du gouvernement fédéral, Meta a commencé début août à définitivement bloquer l’accès aux nouvelles sur ses réseaux sociaux au Canada. L’entreprise veut ainsi éviter de devoir verser de l’argent aux médias canadiens pour le partage de leurs contenus sur ses plateformes.

Or, nombre de citoyens ont pris l’habitude de s’informer à travers les comptes des médias sur les réseaux sociaux depuis des années, notamment chez les peuples autochtones.

Mme Tait craint donc que les actions de Meta empêchent les membres de communautés les plus touchées par les feux de forêt de « suivre l’évolution rapide de la situation et de prendre connaissance des ordres d’évacuation ».

« L’accès à de l’information fiable et à jour peut être une question de vie ou de mort, littéralement », soutient-elle dans sa lettre.

L’accès à de l’information fiable et à jour peut être une question de vie ou de mort, littéralement.

La grande patronne du diffuseur rappelle par ailleurs au géant du Web que ce déblocage « n’aurait aucune incidence sur l’application de la Loi sur les nouvelles en ligne à court terme et n’entraînerait aucun paiement en vertu d’ententes négociées », puisque le texte législatif n’entrera en vigueur qu’à la mi-décembre.

Informés quand même sur Facebook ?

Contacté par Le Devoir mercredi, Meta s’est contenté de répéter le même message qu’il fournit aux médias depuis plusieurs jours, soit que les Canadiens peuvent toujours être bien informés sur ses plateformes et suivre les développements des incendies de forêt.

« Nous entendons continuer à nous assurer que les Canadiens et Canadiennes peuvent utiliser nos technologies pour communiquer avec leurs proches et avoir accès à de l’information. D’ailleurs, plus de 65 000 personnes se sont déclarées en sécurité [grâce à l’outil Safety Check] et environ 750 000 personnes ont visité les pages de Yellowknife et Kelowna Crisis Response sur Facebook », précise par courriel un porte-parole de l’entreprise.

L’entreprise ne compte pas faire marche arrière en ce qui concerne le blocage des nouvelles, rappelant que cela fait des mois qu’elle prévient que « le large champ d’application de la Loi sur les nouvelles en ligne aurait un impact sur le partage de contenu de nouvelles sur nos plateformes ».

Le gouvernement Trudeau fustige Meta

 

Cet appel du diffuseur public fait écho au discours du gouvernement libéral fédéral, qui ne cesse de fustiger Meta depuis plusieurs jours, l’accusant de mettre « ses profits » en priorité « plutôt que le bien-être et l’information des Canadiens ».

« Le journalisme local de qualité est important, et il est plus important que jamais lorsque les gens s’inquiètent pour leur maison, s’inquiètent pour les communautés, s’inquiètent du pire été pour les événements météorologiques extrêmes que nous ayons connu depuis très, très longtemps », a-t-il déclaré, lundi, lors d’un point de presse à l’Île-du-Prince-Édouard.

La ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, avait déjà partagé les mêmes inquiétudes et les mêmes critiques envers le géant du Web dans les jours précédents.

En Colombie-Britannique, plus de 27 000 personnes ont dû évacuer leur domicile en raison des incendies de forêt. Dans les Territoires du Nord-Ouest, ce sont plus de 30 000 personnes qui ont aussi reçu un ordre d’évacuation.

Un boycottage de Meta en cours

Personnalités publiques, organismes culturels, citoyens, politiciens et même médias ont répondu à l’appel du groupe Les AMIS de la radiodiffusion, qui a lancé l’idée de boycotter mercredi et jeudi les plateformes de Meta en réaction à son blocage des nouvelles.

Les médias du groupe Québecor — dont Le Journal de Montréal, Le Journal de Québec, 24 heures et TVA — se sont ainsi abstenus de publier des nouvelles sur leur compte Facebook et Instagram mercredi, invitant plutôt tout un chacun à se joindre au mouvement de boycottage pour être « solidaires avec tous les médias canadiens ». La veille, plusieurs organismes, dont la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, la Fédération culturelle canadienne-française ou encore l’Association canadienne des producteurs médias (CMPA) avaient annoncé prendre part au mouvement.

Celui-ci a aussi trouvé écho chez quelques politiciens, les députés du Bloc québécois ayant décidé de s’y joindre.



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