Le Canada qualifié d’«hypocrite climatique»

Une raffinerie de pétrole près de Fort McMurray, en Alberta. Selon les conclusions du groupe de recherche Oil Change International, le Canada pourrait devenir le deuxième pays en importance en matière de hausse de la production de pétrole et de gaz d’ici 2050.
Dan Barnes Getty Images Une raffinerie de pétrole près de Fort McMurray, en Alberta. Selon les conclusions du groupe de recherche Oil Change International, le Canada pourrait devenir le deuxième pays en importance en matière de hausse de la production de pétrole et de gaz d’ici 2050.

Le Canada est en voie de devenir un des leaders mondiaux de l’expansion des secteurs pétrolier et gazier, déplore Oil Change International, dans un rapport publié mardi. L’organisme presse donc le gouvernement Trudeau de concrétiser rapidement sa promesse de plafonner et de réduire les émissions de l’industrie, une réglementation dont les détails sont attendus cet automne.

Selon les conclusions de ce groupe de recherche très critique de notre dépendance aux énergies fossiles, le Canada pourrait devenir le deuxième pays en importance en matière de hausse de la production de pétrole et de gaz d’ici 2050. Il serait devancé par les États-Unis, mais précéderait plusieurs autres gros producteurs, dont la Norvège, la Russie et l’Arabie saoudite.

Oil Change International calcule que le Canada pourrait ainsi représenter à lui seul près de 10 % de l’expansion globale prévue au cours de cette période. Cette nouvelle exploitation, si elle se concrétise, représenterait des émissions totales de 18,6 milliards de tonnes de gaz à effet de serre (GES), selon les calculs inscrits dans ce rapport d’une trentaine de pages. Un tel bilan équivaudrait aux émissions globales de 117 centrales au charbon, illustre-t-il, tout en qualifiant le Canada d’« hypocrite climatique ».

18,6 milliards
C’est la quantité de tonnes de gaz à effet de serre que représenterait l’expansion des secteurs pétrolier et gazier canadiens d’ici 2050.

L’organisme déplore les mesures qui ouvrent la porte à la croissance de la production, dont l’octroi de nouveaux permis d’exploration pétrolière et gazière, le feu vert à des projets comme Bay du Nord, la place croissante de la fracturation dans l’exploitation et le soutien financier au secteur des énergies fossiles.

On mentionne aussi le cas de l’expansion du réseau de pipelines Trans Mountain, une infrastructure qui a jusqu’ici coûté plus de 30 milliards de dollars, qui appartient au gouvernement fédéral et qui est conçue pour faciliter l’exportation du pétrole des sables bitumineux.

Plafonner les émissions ?

Or, l’expansion de la production d’énergies fossiles prévue dans le monde, et notamment au Canada, « rendrait impossible » l’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris, soit limiter le réchauffement à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Un avis partagé par le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, ainsi que l’Agence internationale de l’énergie.

Oil Change International presse donc le fédéral de mettre en oeuvre « une sortie » des énergies fossiles, notamment en s’appuyant sur le plafonnement et la réduction des émissions de GES des secteurs pétrolier et gazier.

On précise que ce plafond devrait tenir compte de « toute la chaîne d’approvisionnement » — et donc inclure les émissions produites lors de l’utilisation du pétrole et du gaz exportés. Ces émissions ont totalisé plus de quatre milliards de tonnes entre 2016 et 2020, selon un bilan d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC).

Le gouvernement Trudeau promet depuis 2021 d’imposer un plafonnement et une réduction des émissions de GES des secteurs pétrolier et gazier. Où en est le développement de la réglementation ? Un « document de travail » a été publié au cours de l’été 2022 pour fin de consultation des provinces et de l’industrie, notamment. « De plus amples détails sur l’approche devraient être annoncés plus tard cet automne », précise ECCC, en réponse aux questions du Devoir.

« Bien que les détails du plafond restent à confirmer, comme l’indique le plan de réduction des émissions à l’horizon 2030, le gouvernement du Canada s’est engagé à plafonner et à réduire les émissions des secteurs pétrolier et gazier au rythme et à l’échelle nécessaires pour atteindre les objectifs climatiques de 2030 et des émissions nettes nulles d’ici à 2050 », assure le ministère.

Hausse de production en vue

 

Qui plus est, selon le fédéral, le captage et le stockage du carbone « est une technologie clé, parmi d’autres, qui continuera à permettre la décarbonisation des secteurs pétrolier et gazier ». Le développement de projets de captage et de stockage, qui est encore au stade expérimental, a reçu des millions de dollars de financement d’Ottawa. L’industrie pétrolière, dont les entreprises des sables bitumineux, fait d’ailleurs la promotion du captage et stockage de carbone.

Pendant ce temps, l’Association canadienne des producteurs pétroliers prévoyait que les investissements dans la production de pétrole et de gaz atteindront 40 milliards de dollars en 2023.

Au cours des prochaines années, on mise aussi sur le développement de nouveaux projets d’exploitation, notamment en milieu marin, au large de Terre-Neuve-et-Labrador. Selon les données officielles disponibles, la production de gaz et de pétrole serait appelée à augmenter au pays.

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