La parole aux Chianti Classico

Chianti Classico : 40 échantillons et une qualité au rendez-vous.
Photo: Jean Aubry Chianti Classico : 40 échantillons et une qualité au rendez-vous.

Ce sont près de 40 échantillons de Chianti Classico qui ont été acheminés au Devoir par les agences (que nous remercions au passage), histoire de marquer l’événement Anteprime di Toscana qui se tenait en Italie le 11 février dernier. L’empreinte carbone du chroniqueur ne pouvant cette année éponger les 6376 kilomètres qui séparent Florence de la salle de rédaction de votre quotidien préféré. « Laissez venir à moi les petits chiantis », aurait dit un certain Jésus à une époque où les nombreux clones de sangiovese n’anoblissaient pas encore ce qui allait contribuer en Toscane à la célébrité des appellations Chianti Classico, Brunello di Montalcino et Vino Nobile di Montepulciano, où le cépage excelle plus qu’ailleurs. Demandez à ce titre à un Québécois s’il aime son chianti sur une pointe de pizza Diavola de chez Antonietta et vous pigerez rapidement que nul autre accord n’est plus divin !

Bien évidemment, ce nombre restreint d’échantillons ne prétend nullement couvrir les fruits issus des quelque 10 600 hectares dont disposent les appellations citées plus haut avec une production annuelle qui tourne autour de 60 millions de cols. Disons qu’ils permettent de « rafraîchir » le portrait-robot d’un cépage dont les variations de styles, à l’intérieur même de l’appellation Chianti Classico, sont notables.

Qualité et identité

Premier constat, l’appellation Chianti Classico (qui gravite autour des communes de Greve, Radda, Castellina et Gaiole) dont il est question aujourd’hui se porte bien. Et la qualité est au rendez-vous. Le dynamisme affiché de certains grands domaines pour la recherche des meilleurs clones, à l’intérieur de leur propre pépinière maison, semble permettre d’atteindre sur le terrain une meilleure compréhension de ce grand cépage qu’est le sangiovese. Cela, à des prix encore soutenables comparativement, par exemple, à ceux pratiqués par les seigneurs piémontais, princes bourguignons ou autres aristocrates bordelais.

Deuxième constat, s’ils apparaissent souvent modernes de facture, les vins réussissent à conserver farouchement leur identité, sans extractions immodérées ou boisage trop prononcé. Le sangiovese s’en trouverait de toute façon altéré. Ils apparaissaient ici nuancés de leurs tonalités classiques de prune, de cerise et de sous-bois, agréablement pourvus de tanins fins, mais surtout de cette expression manifeste de fraîcheur qui les distingue à tous coups. « Le chianti, c’est l’amour ! » a l’habitude de dire ma compagne. Lui donner tort ne serait pas courtois.

Côté méthodologie, tous les vins ont été dégustés à l’aveugle dans des verres INAO à la température de 15 °C avec la Master Sommelier (MS) Élyse Lambert, avec qui visiblement je partageais bon nombre de coups de coeur. Les voici sommairement commentés par ordre croissant de prix, sachant que la mention « Riserva » requiert légalement un minimum de deux ans de fût suivis de 3 mois de bouteille. Suite la semaine prochaine !

Borgo Scopeto 2019 (19 $ – 13460647). Structure simple sur fond tendu, herbacé, court. (5) ★★

San Fabiano Calcinaia 2021 (19,70 $ – 13326739). Ce 2021 remplacera sous peu le 2020 à la SAQ. Un bio vigoureux, bien vivant, structurant. Le carafer deux bonnes heures. À table. (5) © ★★ 1/2

Vigna di Pallino 2021 (19,80 $ – 13088312). Belle surprise ici. Densité, consistance fruitée, maturité et équilibre. (5) ★★★

San Felice 2020 (20,10 $ – 245241). Un gel impromptu a réduit les rendements dans ce millésime sans affecter le fruité, qui semble ici offrir une matière plutôt substantielle sans nuire à la palatabilité d’ensemble. La franchise et l’équilibre y sont. Un classique. (5) ★★★

Carpineto 2020 (22,60 $ – 478891). Cette maison nous a séduits. Par sa clarté fruitée, son étoffe, ses tanins mûrs, frais, bien serrants. (5) © ★★★

Castello di Bossi 2019 (23,95 $ – 13465958). Un bio travaillé à l’ancienne non dénué de profondeur. Ensemble bien construit. Tiendra bien sur une calzone. (5) © ★★★

Rocca delle Macie Riserva 2019 (24,25 $ – 10324543). Nuances de fraise-cerise sur une bouche savoureuse, un tantinet boisée cependant. Côte d’agneau grillée. (5) ★★★

Ser Lapo Riserva 2019, Mazzei (24,95 $ – 13485959). Nous avons aimé ! Une personnalité qui se distille au compte-goutte avec son fruité lumineux et ses tanins de velours. (5+) © ★★★ 1/2

À grappiller pendant qu’il en reste !

Mercurey « Vieilles Vignes » 2020, Philippe le Hardi, Bourgogne, France (34 $ – 15044217). Le style se fond ici sur un millésime de belle maturité, s’enrichissant au passage de tanins fournis dont l’étoffe, couplée à un élevage d’appoint, soutient longuement le palais. C’est riche sans être lassant, généreux sans toutefois plomber l’ambiance, mais surtout, on se régale. Un pinot noir qui mérite certainement le détour. (5) © ★★★

Crozes-Hermitage « Certitude » 2020, François Villard, Rhône, France (34,50 $ – 12474019). Les tanins frais de cette syrah bien mûre se pressent au portillon avec une agilité doublée d’un sens de la mesure qui rend ici le vin fort digeste. L’ensemble est de corps moyen, encore peu nuancé, d’une mâche assurée. Le « fosso buco » (rôti de palette façon osso buco) en fera ressurgir des notes de tapenade et d’épices. (5+) © ★★★

Château Magnan La Gaffelière 2016, Saint-Émilion Grand Cru, Bordeaux, France (34,75 $ – 14623111). Les quelques années de bouteille offrent à cette cuvée à dominante merlot un tremplin vers le terroir où des notes de graphite, de sous-bois et de cuir frais se fondent à des tanins fins et fort civilisés. Pas des plus démonstratives (nous sommes chez J.-P. Moueix, après tout), mais linéaire et fort classique. Un bordeaux à boire ce soir avec quelques aiguillettes de canard, quand les enfants sont couchés. (5) ★★★ 1/2

Saint-Joseph blanc 2021, Pierre Gaillard, Rhône, France (44,75 $ – 15014288). La roussanne endosse ici sa doudoune en plume d’oie qui lui assure une texture moelleuse, riche, matelassée et drôlement confortable au palais. Elle le fait avec sa discrétion habituelle, dans ses tonalités d’or paille, ses parfums miellés de frangipane et ses notes de fruits jaunes oubliés qui virent doucement à la surmaturité. L’ensemble demeure éloquent, de belle tenue, d’une longueur en bouche plus qu’appréciable. Magnifique. (5) ★★★★

Syrah 2019, Mullineux, Swartland, Afrique du Sud (47,50 $ – 13826400). La gamme des vins de Chris et Andrea Mullineux vous fait mordre un morceau de terroir tout en faisant briller les cépages qui s’y sentent bien à l’aise. Cette syrah offre un profil à la fois vertical par sa revigorante fraîcheur et horizontal par ses tanins fournis qui l’habillent comme une reine. Une grande clarté se dégage de l’ensemble, dont les tanins se tassent avec fraîcheur et relief, sans alourdir le palais. N’a pas dit son dernier mot ! (5+) © ★★★ 1/2

Châteauneuf-du-Pape blanc 2021, Clos du Mont-Olivet, Rhône, France (65 $ – 15034254). Les blancs de cette appellation sont rares. Mais ils méritent le détour. En raison du moelleux profond de leurs flaveurs, de leur puissance sous-jacente et de cette combinaison fine entre acidité et amertume qui prolonge longuement le palais. Pas moins de huit cépages, dont la clairette et la roussanne, élargissent le profil de ce blanc sec qui s’enrichit ici d’une texture à la fois subtile et bien sentie. La touche de bois neuf ajoute plus encore à la complexité d’ensemble. Un vin à « rêver » longtemps à table sur une blanquette de veau ou un navarin d’agneau, par exemple. Longue garde prévisible. (5+) © ★★★ 1/2

Explication des cotes


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