Les avis de dommages aux cultures agricoles explosent

L’excès de pluie a influé sur la quantité de cultures récoltées et leur qualité dans la majorité des régions au Québec. Sur la photo, une terre agricole inondée à Burlington, aux États-Unis.
Charles Krupa Associated Press L’excès de pluie a influé sur la quantité de cultures récoltées et leur qualité dans la majorité des régions au Québec. Sur la photo, une terre agricole inondée à Burlington, aux États-Unis.

Il se confirme que la saison agricole est l’une des pires de l’histoire récente. Les avis de dommages à la Financière agricole du Québec ont plus que doublé par rapport à l’an dernier. Leur nombre a aussi augmenté de 82 % par rapport à la moyenne de la dernière décennie, et les indemnités versées dépassent de loin les moyennes précédentes.

Les plus récentes données, publiées vendredi, indiquent qu’en date de mardi dernier, les producteurs agricoles avaient présenté 6119 avis de dommages à la Financière pour obtenir indemnisation. Les cultures protégées par une assurance récolte comprennent les céréales, les légumes, le maïs, le foin, les petits fruits, les pommes, les pommes de terre, le sirop d’érable et le miel.

Au total, la Financière a déjà versé 49,6 millions de dollars aux agriculteurs assurés, ce qui dépasse largement les indemnités remises sur l’ensemble de 2022, une année toutefois particulièrement clémente. La somme dépasse également de loin la moyenne des cinq dernières années à pareille date, qui est de près de 21 millions de dollars.

6119
Il s’agit du nombre d’avis de dommages que les producteurs agricoles ont présentés à la Financière en 2023 pour obtenir indemnisation.

« C’est clairement une année exécrable, et on demande des mesures spéciales pour y faire face », déclare le directeur général de l’Union des producteurs agricoles (UPA), Charles-Félix Ross, en entrevue avec Le Devoir. Aucun secteur végétal n’a été épargné, relate-t-il, et « plusieurs entreprises sont lourdement affectées sur le plan financier », souligne cet agroéconomiste.

Pluie abondante et sécheresse

 

Il faut dire qu’en plus des conditions météorologiques difficiles, les producteurs subissent la pression inflationniste, le prix des intrants comme l’engrais, le carburant, les semences ou les aliments destinés aux animaux étant en hausse. « Quand tu n’as pas de récoltes, tu n’as pas d’argent pour rembourser la marge de crédit prise au printemps » pour entamer la saison, expose M. Ross.

La Financière agricole du Québec se disait déjà en juillet « très consciente des difficultés engendrées par les précipitations importantes » dans la plupart des régions québécoises. L’excès de pluie a influé sur la quantité de cultures récoltées et leur qualité dans la majorité des régions, a écrit cette instance vendredi.

Les maladies fongiques continuent de se propager dans les cultures, qui, en majorité, sont encore en période de récolte, note aussi la Financière dans son bilan. Les régions de culture intensive ont reçu plus de pluie que la moyenne des 24 dernières années, un excédent qui se hisse à plus de deux mètres supplémentaires en Estrie, dans le Centre-du-Québec et en Gaspésie.

L’intensité des précipitations a par moments couché certaines cultures par terre, fait pourrir des légumes racines ou compliqué les interventions aux champs à cause des tracteurs qui s’enfonçaient, rapportaient en août des producteurs.

Les aléas climatiques n’ont évidemment pas affecté toutes les cultures de la même façon. En Abitibi-Témiscamingue, c’est plutôt le manque de pluie qui a fait diminuer le rendement de la première fauche de foin ainsi que la croissance des pâturages.

Faire face à l’avenir climatique

Un groupe de travail spécial, issu du comité de suivi de l’état des cultures de la Financière, a été mis en place à la mi-août en réaction aux conditions météorologiques difficiles subies par le secteur horticole. Il doit notamment suggérer des pistes d’amélioration au Programme d’assurance récolte.

L’UPA réclame qu’on « repense [le] partage des risques entre l’État et les producteurs », rappelle Charles-Félix Ross au bout du fil. Les programmes d’assurance récolte sont financés à 40 % par les producteurs et comportent des franchises. Les agriculteurs assument donc une part importante de la facture et craignent de voir leurs primes augmenter dans les prochaines années. L’UPA suggère une révision de la part de chaque contributeur à l’assurance.

« Les programmes ne sont pas adaptés. […] Quand on tombe dans des pertes extrêmes, le gouvernement devrait assumer plus », propose notamment le directeur général.

L’un des secteurs les plus touchés cette année est l’acériculture. La production de sirop d’érable a été « maigre » en 2023, n’atteignant que 124 millions de livres. Au total, 1315 avis de dommages ont été présentés et 29,4 millions de dollars versés en indemnisations pour cette seule catégorie.

« Oui, c’était une petite saison, mais, par définition, [la production] est fluctuante à travers les années », concède Joël Vaudeville, porte-parole des Producteurs et productrices acéricoles du Québec.

Les montants versés par la Financière satisfont néanmoins les acériculteurs, mais ils souhaitent mettre sur pied un autre mécanisme : une forme d’« assurance catastrophe » qui prendrait notamment en compte l’évaluation de la valeur d’un érable qui meurt et qui, donc, arrête de produire le liquide recherché.

Un érable met 50 ans à atteindre la maturité nécessaire pour produire une quantité d’eau utile à la production de sirop. « Les catastrophes naturelles et les phénomènes météorologiques extrêmes deviennent de plus en plus intenses et récurrents à cause des changements climatiques », expose M. Vaudeville. Il importe donc de trouver une manière de compenser un érable perdu, « couché », par exemple, à la suite de vents violents, ou abîmé par le verglas comme au printemps dernier.

À voir en vidéo