Un astéroïde frôle la Terre par surprise

Le 13 juillet à 6 h 11, heure de Montréal, l’astéroïde 2023NT1 est passé à une centaine de milliers de kilomètres de la Terre avant de continuer sa course. Un événement somme toute plutôt courant, puisque des dizaines d’objets célestes sont ainsi repérés chaque mois aux alentours de la planète bleue. Sauf que celui-ci s’est approché très près d’elle, à seulement un quart de la distance Terre-Lune. Et qu’il n’a été détecté que 48 h après son passage.

Dans la grande famille des objets célestes, 2023NT1 est assez commun. D’une taille de l’ordre de 30 mètres de diamètre, d’après les données de l’Agence spatiale européenne, soit l’équivalent d’un immeuble de 10 étages, il rejoint les 1,3 million d’astéroïdes répertoriés à ce jour par la NASA. Parmi eux, on dénombre 30 000 géocroiseurs — ces objets susceptibles de s’approcher de la Terre, et dont la taille peut varier de quelques mètres à une quarantaine de kilomètres.

De petits objets difficiles à repérer

Auriane Egal, astrophysicienne et conseillère scientifique au Planétarium de Montréal, souligne que si 2023NT1 n’a pas été repéré à temps, c’est en raison de sa « petite » taille. « Ces objets d’une taille inférieure à 100 mètres ne réfléchissent pas beaucoup la lumière. C’est très dur de les voir lorsqu’ils sont loin de la Terre, à moins d’avoir des instruments incroyables, comme un télescope spatial qui se balade juste à côté », explique-t-elle. « Donc en général, on ne les voit que lorsqu’ils sont près de la Terre. Et malheureusement, parfois, ils peuvent être assez proche de nous tomber dessus. Mais heureusement, ce sont aussi ceux qui présentent le moins de risques pour nous. »

2023NT1 a aussi une petite particularité, et pas des moindres. « Ce qui est intéressant, c’est qu’il venait de la direction du Soleil », ce qui correspond à un angle mort pour les télescopes, note l’astrophysicienne. « Il s’est approché de nous pendant la journée. Donc les télescopes capables de voir ces petits objets ne pouvaient pas regarder cette région du ciel à ce moment-là. C’est pour ça qu’on ne l’a vu qu’une fois qu’il était déjà passé », ajoute-t-elle.

Une menace non négligeable

S’il fait pâle figure face à des mastodontes de plusieurs kilomètres de diamètre, un astéroïde d’une telle taille pourrait néanmoins faire des dégâts s’il entrait en collision avec la Terre. En fait, sa taille n’est pas le seul paramètre à prendre en compte. « Tout dépend aussi de sa vitesse, de l’angle avec lequel il entre dans l’atmosphère… » énumère la chercheuse. « Si c’est un astéroïde qui est très riche en fer et très dense, il ne va pas faire les mêmes dégâts que si c’est une grosse boule de neige sale comme une comète — qui est très poreuse et moins dense, et qui est donc un projectile moins dangereux. »

La conseillère scientifique estime que si un tel événement se produisait, « ce qui se passerait probablement, c’est que l’objet exploserait dans l’atmosphère, se fragmenterait, et créerait une onde de choc ». Dans le pire des cas, « ça peut quand même faire un cratère de l’ordre de 100 ou 200 m de diamètre. Et s’il est très riche en fer, on peut augmenter la taille du cratère d’un facteur 2 », ajoute-t-elle. « Donc on ne va pas avoir des dégâts à l’échelle continentale, mais plutôt à l’échelle d’une ville ou d’une petite région. »

Par exemple, en 1908 et en 2013, des objets célestes de petite taille — 50 et 15 mètres respectivement — se sont désintégrés dans le ciel en Sibérie, libérant lors de leur explosion une énergie de l’ordre de « 1000 et 30 bombes Hiroshima », souligne l’astrophysicienne. Et bien qu’ils se soient désintégrés à plusieurs kilomètres d’altitude, les dégâts au sol ont été notables : l’onde de choc a notamment soufflé des milliers de vitres et fait s’effondrer le toit d’une usine en 2013 à Tcheliabinsk, faisant un millier de blessés. Pour l’événement de 1908, « le choc a couché tous les arbres sur un rayon de 100 km », précise Auriane Egal.

Faibles probabilités

Bien qu’elle soit difficile à anticiper, la collision avec un astéroïde de petite taille est cependant assez rare : la spécialiste estime qu’un objet d’une vingtaine de mètres de diamètre tombe sur la Terre en moyenne une à deux fois par siècle. Et selon elle, lorsque cela arrive, il y a de grandes chances qu’il tombe dans l’océan ou dans une zone désertique, ne causant que peu de dégâts.

Pour ce qui est des objets de gros diamètre, la chercheuse se montre rassurante. Non seulement ils ont une probabilité encore plus faible d’impacter la Terre, puisqu’il y en a très peu dans le système solaire, mais ils sont aussi surveillés de près par les agences spatiales. « L’astéroïde qui a probablement été responsable en partie de l’extinction des dinosaures faisait 10 km de diamètre », estime-t-elle. Pour un objet d’une telle taille, « on s’attend à un impact tous les 150 millions d’années », ajoute-t-elle. « Et l’on connaît 95 % des objets de 1 kilomètre ou plus. On les suit, on sait où ils sont, on sait où ils vont — et pour l’instant, il n’y en a aucun qui a prévu d’impacter la Terre. »

Surveiller, agir

Pour le moment, d’après la spécialiste, l’humanité n’est pas encore équipée pour éviter la collision avec un petit objet céleste, d’une taille similaire à celle de 2023NT1. Mais elle y travaille. La toute première tentative, réussie, a été réalisée par la NASA à l’automne 2022. Une sonde s’était alors intentionnellement écrasée sur un astéroïde, le déviant de sa trajectoire.

D’autres méthodes sont également envisagées par les scientifiques. « On peut imaginer une bombe qui explose à côté de l’objet, pour que l’onde de choc le pousse plus loin », explique Auriane Egal. « On a aussi des méthodes plus subtiles, où l’on pourrait envoyer une sonde qui orbiterait autour de l’astéroïde en le décalant petit à petit de son orbite. »

Selon elle, de telles opérations prendraient cependant « plusieurs mois, voire plusieurs années » à être planifiées. Donc si de petits objets ne sont détectés que quelques heures avant l’impact, il serait trop tard pour agir. « Le protocole serait alors d’alerter les populations et d’organiser une évacuation si c’est nécessaire », souligne-t-elle.

Afin de réduire la menace d’objets provenant de la direction du Soleil, comme 2023NT1, l’Agence spatiale européenne compte également lancer une sonde spatiale, à l’horizon 2030, qui serait située entre la Terre et le Soleil et qui permettrait de mieux anticiper leur arrivée.

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