Améliorer la densification urbaine

Stéphane Gagné Collaboration spéciale
La clé de la réussite d’un projet de densification consiste à impliquer dès le départ les citoyens, les promoteurs et les municipalités.
Photo: Annik MH de Carufel Le Devoir La clé de la réussite d’un projet de densification consiste à impliquer dès le départ les citoyens, les promoteurs et les municipalités.

Ce texte fait partie du cahier spécial Habitation

Dans les communautés métropolitaines de Montréal (CMM) et de Québec (CMQ), le mot d’ordre est « densification ». L’objectif est de limiter l’étalement urbain, de réduire la congestion routière et de préserver les bonnes terres agricoles. Des cibles louables, mais qu’en est-il des résultats jusqu’ici ? Examen de la situation.

Début des années 1990. Les communautés métropolitaines de Montréal et de Québec adoptent toutes les deux leur Plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD). Ceux-ci visent la densification du territoire.

Dans la région de Montréal, on prévoit d’aménager 155 aires TOD (Transit-oriented development, aménagement axé sur le transport en commun, ou AATC, en français). Les aires TOD sont des zones d’habitation plus denses développées autour de gares ferroviaires ou de stations de métro où l’on trouve des commerces de proximité et des bureaux. Le but étant d’encourager les déplacements à pied, à vélo et en transport en commun et de réduire l’étalement urbain.

Dans la région de Québec, la stratégie est différente. On prévoit de développer des corridors de transport en commun. Le long de ces corridors, on souhaite concentrer les emplois et les résidents.

 

Autant à Montréal qu’à Québec, on est conscient qu’on ne peut plus poursuivre le développement urbain selon le même modèle que dans les années 1960, où les bungalows étaient la norme.

Dans la région de Montréal, la CMM a réalisé un bilan 2015-2016 des 11 AATC qui ont été réalisés à divers endroits du territoire (par exemple : gare Sainte-Thérèse, terminus Châteauguay, station de métro Assomption). Selon l’organisme, le bilan est plutôt positif puisque 26 000 logements ont été construits, 24 km de pistes cyclables ont été ajoutés et près d’un million de mètres carrés d’espaces à bureaux et de commerces ont vu le jour.

Des TOD imparfaits

 

Cependant, l’organisme Vivre en ville, qui promeut le développement de collectivités viables, met en garde les planificateurs quant à la façon dont on conçoit ces zones. Dans sa publication intitulée Bon TOD, Bad TOD, parue en 2012, il insiste sur la nécessité de concevoir les AATC comme de véritables milieux de vie, interconnectés les uns aux autres, et non comme de simples projets immobiliers annexés à une station de transport en commun.

Christian Savard, directeur général de Vivre en ville, déplore notamment le fait que les résidents des AATC fréquentent peu les commerces que l’on trouve à ces endroits. « Ils prennent leur voiture et vont magasiner dans les grandes surfaces qui ne sont pas toujours situées proche de leur résidence », dit-il. Un comportement contraire à l’esprit des AATC.

Ce que l’on voit beaucoup aussi, ce sont des AATC entourés de stationnements incitatifs « là où on trouve les terrains les plus intéressants pour densifier l’habitat, pour prévoir des commerces et des bureaux, affirme Gérard Beaudet, professeur titulaire à la Faculté d’aménagement de l’Université de Montréal. Ce ne sont pas de véritables TOD, mais c’est notre façon nord-américaine de les aménager. Cela ne crée pas des milieux de vie intéressants. Par contre, c’est le meilleur moyen pour inciter les automobilistes à prendre le train ou le métro ».

Et cela ne semble pas près de changer, car le projet de Réseau express métropolitain (REM) prévoit aussi l’aménagement des stationnements incitatifs proches des gares.

Pourtant, il y aurait possibilité de faire mieux. « On pourrait construire des stationnements incitatifs étagés, ce qui occuperait moins d’espace au sol et encouragerait les gens à venir en bus aux stations en transport en commun », dit Christian Savard.

Densifier en ville

 

M. Savard croit aussi que la densification ne devrait pas se faire uniquement par le biais des aires TOD, situées majoritairement en banlieue. « Il y a beaucoup de terrains à développer dans les premières couronnes, à Longueuil et à Laval, par exemple, dit-il. Développer en priorité ces zones serait une bonne façon de ralentir l’étalement urbain. » Le modèle des logements accessoires (petits logements construits à l’arrière de la résidence principale) serait à considérer à ce chapitre.

À Montréal, la présence de plus de 300 terrains contaminés nuit aussi à de nouvelles constructions d’habitations ou autres. En mars dernier, le gouvernement du Québec a toutefois débloqué 75 millions de dollars pour permettre la décontamination de ces zones d’ici 2022. Cette subvention devrait en accélérer le développement.

Espaces verts

 

Une des façons de rendre un projet de densification plus acceptable et viable est d’y intégrer des espaces verts. Ce type de projets commence à voir le jour dans les régions de Montréal et de Québec. Selon M. Beaudet, le projet Urbanova à Terrebonne en est un bon exemple. On y trouvera plusieurs habitations multifamiliales dans un environnement propice à la marche et au vélo où 45 % du territoire demeurera à l’état naturel.

Dans la région de Québec, le maire Régis Labeaume insiste beaucoup sur la nécessité de densifier. Pour lui, il s’agit de la seule façon de donner le même niveau de services aux citoyens. Cependant, s’il faut en croire le Comité pour une densification respectueuse, cela ne s’est pas toujours fait de façon correcte. Sur le site Internet du mouvement, on voit plusieurs photos de bâtiments disproportionnés qui ont pris la place de maisons unifamiliales et qui écrasent, par leur volume, les autres maisons autour. Des arbres matures ont aussi souvent été coupés pour permettre la construction de ces grosses demeures. Le comité souhaite un resserrement de la réglementation pour éviter la répétition de ce qu’elle considère comme des erreurs.

M. Savard croit aussi que la clé de la réussite d’un projet de densification consiste à impliquer dès le départ les citoyens, les promoteurs et les municipalités. L’initiative Oui dans ma cour de Vivre en ville vise justement cet objectif.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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