Régalons-nous dans les bois… allemands

Carolyne Parent
Collaboration spéciale
Un paysage idyllique typique de la Forêt-Noire
Photo: ​Hochschwarzwald Tourismus GmbH | Bildtechnik Spiegelhalter Un paysage idyllique typique de la Forêt-Noire

Ce texte fait partie du cahier spécial Plaisirs

Dans le sud-ouest du pays, la Forêt-Noire conjugue panoramas spectaculaires et grandes traditions de bouche. Récit d’un court-circuit alléchant.

C’est un pays de monts et de vallées. De vignes qui dévalent des coteaux pentus jusque dans l’arrière-cour des particuliers. De châteaux séculaires et de chaumières fleuries. C’était la silva nerades Romains, qui trouvaient noire la dense forêt de conifères. C’est la Schwarzwald des Allemands, un terrain de jeux de 6000 km2 bordant, à l’ouest, l’Alsace, en France, et au sud, la Suisse. En arrivant du nord, Baden-Baden en est la porte d’entrée. Ou le chic vestibule Belle Époque.

La nouvelle est tombée pendant la pandémie et, de ce fait, est peut-être passée ici inaperçue, mais toujours est-il que Baden-Baden est désormais classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, partie prenante d’un ensemble de 11 grandes villes d’eaux européennes. « C’est l’empereur Caracalla qui a fait construire ses premiers thermes, et les bains Friedrichsbad s’élèvent d’ailleurs sur leurs ruines », explique le guide Pierre Schitter. Mais au-delà de la cure thermale, c’est un art de vivre qui est ici célébré.

Parapente et pinot noir

En effet, hier, la trempette minérale s’accompagnait de manifestations culturelles, d’une gastronomie, d’activités sportives, et c’est encore vrai. « On a peut-être l’impression que Baden-Baden est une destination pour aînés à cause des eaux, mais ici, on fait beaucoup de randonnées et même du parapente du haut de la montagne Merkur ! » note Kilian Bucher, un des directeurs du Brenners Park-Hotel & Spa. Le bien nommé sentier pédestre Panoramaweg, une boucle de 45 kilomètres, se faufile dans les montagnes qui ceinturent la belle bourgade, tandis que l’allée Lichtentaler, qui s’étire sur 3 kilomètres ponctués de jardins et longe une claire rivière, sert de trait d’union entre quartiers résidentiels, musées, bains et casino. On imagine sans peine Dostoïevski l’empruntant pour se rendre dans l’établissement qui lui inspira Le Joueur ou le compositeur Berlioz, pour inaugurer le théâtre municipal !

Photo: Jigal Fichtner | Renchtal Tourismus Plaisirs vinicoles dans la Renchtal

Tout près, trois secteurs viticoles font partie de la route des vins du pays de Bade. À Neuweier, au pied du Mauerberg, la vigne déboule jusqu’à un château du XIIe siècle avec son pont-levis. Ce Schloss Neuweier abrite quelques chambres et un restaurant où le menu est conçu pour s’harmoniser aux vins du vigneron Robert Schätzle. Ce que ce dernier fait de mieux ? « Des vins de riesling, qui ont une belle acidité du fait du sol, rare, de granit », dit-il.

Au sud de la ville d’eaux, du côté de la vallée de la Rench et de la pittoresque vieille ville d’Oberkirch, le vigneron Hans-Peter Decker donne, lui, principalement dans le pinot noir. On déguste ses bons vins, dont un, particulièrement gouleyant, fait de gewurztraminer. « C’est ma petite spécialité pour me distinguer ! » dit-il. Et elle nous énergise juste ce qu’il faut pour entamer, à côté de chez lui, le sentier Ringelbacher Keschdeweg (5,9 km), qui traverse vignobles, forêt et boisés de châtaigniers sur les hauteurs de la vallée.

On dirait du land art !

Chemin faisant, on aperçoit le clocher de la cathédrale de Strasbourg, outre-Rhin, la vigne qui court en tous sens sur les collines et, à leurs pieds, des maisonnettes blotties les unes contre les autres. Le tout est du plus bel effet, et donne faim… Vivement le bon fromage de montagne et le traditionnel jambon de la Forêt-Noire (indication géographique protégée), fumé de quatre à six semaines au bois d’épicéa avant son séchage ! Place à la Badischer Zwiebelkuchen, la fameuse tarte à l’oignon, qu’accompagne si bien un vin de riesling ; au Badischer Sauerbraten, un plat de boeuf mariné au vin rouge ; et aux Spätzle, de réconfortantes nouilles aux oeufs.

Photo: Jens Wegener | DZT Le jambon forêt-noire trône sur toutes les tables régionales !

Il n’en demeure pas moins qu’Oberkirch est surtout réputée pour tout autre chose… En ce pays de la fraise, des petits fruits, de la pomme, de la prune, mais surtout de la cerise, on trouve 800 distilleries d’eau-de-vie pour 20 000 habitants ! L’alcool prédominant ? La Kirschwasser, le schnaps de cerise, indispensable à la préparation d’un autre délice local : le gâteau forêt-noire (lire notre encadré).

À la Brennerei Fies, Anne-Katrin Hormann poursuit la tradition familiale de la distillation. « Du kirsch, c’est de petites cerises benjaminer ou doppelseppler, de l’eau des montagnes et rien d’autre », dit-elle. Certainement du savoir-faire… Outre le gâteau, son kirsch peut parfumer jambon et saucisson, et est siroté à l’apéro ou en guise de digestif. Certaines de ses eaux-de-vie sont filtrées sur du charbon de bois de hêtre, une autre vieille façon de faire locale. L’intérêt ? « Cela les adoucit, explique-t-elle. Même si elles titrent à 42 degrés d’alcool, elles n’enflamment pas le palais, on en goûte vraiment le fruit. » C’est bien pensé, tout comme le nom de cette gamme, Chronum, qui se veut un clin d’oeil à la tradition des pendules à coucou d’une vallée voisine.

Chez Hansel et Gretel

Et voilà qu’un train nous mène dans le noir de la forêt, à Baiersbronn. Épicentre gastronomique, cette région du parc national compte 10 restaurants mentionnés au guide Michelin, dont quatre étoilés, pour 14 000 âmes ! Qu’y mange-t-on de bon ? Du côté de Buhlbach — célèbre pour la verrerie Böhringer, qui a inventé la bouteille de champagne —, du poisson. Au restaurant Forellenhof, on élève en bassins bios de l’omble chevalier et de la truite, avant de la fumer. Fraîcheur garantie ! Au très chic hôtel Bareiss, à l’adorable Dorfstuben, où Blanche-Neige se sentirait comme à la maison, on sert des plats réconfortants comme des Rinderrouladen (paupiettes de boeuf).

En compagnie de la naturaliste Christine Bissell, on déguste également les produits de la forêt… dans la forêt « pour éveiller un plus grand intérêt pour elle », dit-elle. Au départ de Klosterreichenbach, le temps d’une randonnée sur le sentier des Moines, la passionnée de botanique nous cause d’achillée millefeuille analgésique et de bourgeons d’épicéa au chocolat avant de nous offrir de sa limonade à la reine-des-prés et des craquelins garnis de son pesto de lierre terrestre. Une pause bonheur !

Car au vu des bataillons de conifères au garde-à-vous qui nous cernent, ici, plus qu’ailleurs, éprouvons-nous le sentiment d’être vraiment chez Hansel, Gretel, Petit Poucet et tous ces autres personnages qui peuplaient cette forêt dans les contes qu’ont rapportés les frères Grimm. Une forêt proprement enchantée.

Carolyne Parent était l’invitée de l’Office national allemand du tourisme.

À retenir

On se rend en Forêt-Noire par le vol direct Montréal-Francfort d’Air Canada.

Sur place, on se déplace gratuitement en bus et trains régionaux grâce à la carte Konus, qu’on obtient avec toute réservation dans les hôtels de la Forêt-Noire. Tourisme durable, dites-vous ?

Les 7 et 8 octobre, à Oberkirch, on goûtera à la saucisse blanche, au gâteau, à l’eau-de-vie et à d’autres délices à la châtaigne lors d’une grande fête.

On applaudira Yannick Nézet-Séguin, l’Orchestre philharmonique de Philadelphie et Rachmaninov au Festspielhaus de Baden-Baden, du 3 au 5 novembre prochains.

On se renseigne davantage sur le site de la Forêt-Noire, celui de l’Office de tourisme de l’Allemagne et celui de l’hôtel Bareiss.

Il était une fois, le gâteau Forêt-Noire

L’origine du plus célèbre des gâteaux allemands est incertaine, mais selon le chef pâtissier Volker Gmeiner, propriétaire d’une dizaine de pâtisseries dans le sud-ouest de l’Allemagne, dont le délicieux Café König, à Baden-Baden, « l’histoire la plus répandue dans la région dit qu’un pâtissier l’aurait créé pour les noces d’un bûcheron il y a de cela au moins 120 ans ». Une chose est sûre, cependant : ce gâteau s’appelle Forêt-Noire parce que les cerises et l’eau-de-vie de cerise avec lesquels on le prépare en proviennent – elles sont même d’Oberkirch. La recette du Schwarzwälder Kirschtorte de M. Gmeiner superpose biscuit, génoise au chocolat noir et cerise, gâteau éponge et crème fouettée garnie de copeaux de chocolat et de cerises. Le secret pour que l’équilibre des saveurs soit réussi ? « Tout le gâteau ne doit pas goûter le kirsch ! Je n’en mets que dans la génoise et la crème fouettée », dit-il. Et voilà que le plus populaire des gâteaux d’anniversaire au pays existe désormais en version macaron ! Créé par Pierre Hermé pour l’élégant Brenners Park-Hotel & Spa, il y est servi à l’heure du thé. Quand les traditions se renouvellent…

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.



À voir en vidéo