Afflux record de migrants sur l’île italienne de Lampedusa

La petite île italienne de Lampedusa a accueilli plus de 7000 personnes, soit l’équivalent de la population locale.
Alessandro Serrano Agence France-Presse La petite île italienne de Lampedusa a accueilli plus de 7000 personnes, soit l’équivalent de la population locale.

La petite île italienne de Lampedusa s’efforçait jeudi de faire face à l’afflux de migrants en provenance de l’Afrique du Nord, après avoir accueilli plus de 7000 personnes, soit l’équivalent de la population locale.

Le centre d’accueil, construit pour héberger moins de 400 personnes, est débordé : des hommes, des femmes et des enfants sont contraints de dormir dehors sur des lits de fortune en plastique, beaucoup enveloppés dans des couvertures de survie.

Les bonnes conditions météorologiques ont poussé en mer les candidats à l’exil dans les derniers jours : plus de 5000 personnes ont débarqué mardi sur les côtes italiennes, presque exclusivement à Lampedusa, et près de 3000 mercredi, selon le ministère de l’Intérieur.

Selon Matteo Villa, du centre de réflexion ISPI, le nombre d’arrivées en 48 heures est un « record absolu ».

La Croix-Rouge italienne (CRI), qui gère le centre d’accueil de Lampedusa, « fait l’impossible, et plus que l’impossible », a déclaré jeudi son président, Rosario Valastro, dans un communiqué.

La commune a déclaré l’état d’urgence local, et des tensions ont éclaté mercredi lors de la distribution de nourriture par la CRI.

Située à moins de 150 km des côtes tunisiennes, Lampedusa est l’un des premiers points d’escale pour les migrants traversant la Méditerranée.

2000 morts en mer

 

Plusieurs jeunes migrants se sont rendus dans le centre historique de Lampedusa, où un photographe de l’Agence France-Presse a trouvé certains d’entre eux en train de manger de la crème glacée. Plusieurs migrants ont dit avoir faim, et d’autres ont indiqué ne pas avoir d’argent, de sorte que certains restaurants leur ont refusé l’entrée.

Mais d’autres établissements leur offraient de la nourriture gratuitement, et des habitants tout comme des touristes leur ont également payé des repas.

La plupart des migrants sont récupérés en mer sur des embarcations de fortune par les garde-côtes, qui les amènent au port de Lampedusa.

 

Mais beaucoup meurent en route : selon l’agence de l’ONU pour les migrations, plus de 2000 personnes sont mortes cette année lors de la traversée entre l’Afrique du Nord, l’Italie et Malte.

La dernière victime connue est un bébé de cinq mois, qui serait tombé à l’eau tôt mercredi alors qu’il faisait partie d’un groupe que l’on ramenait sur le rivage.

Depuis des années, le centre d’accueil de migrants de Lampedusa a du mal à faire face au nombre d’arrivants, les organisations humanitaires faisant état d’un manque d’eau, de nourriture et de soins médicaux.

Et l’Italie reproche à ses partenaires européens de ne pas se mobiliser suffisamment pour l’aider à gérer ces flux. L’Allemagne a fait savoir cette semaine qu’elle n’acceptait plus de migrants en provenance de l’Italie, et la France a annoncé l’envoi de renforts aux personnes qui luttent contre l’immigration clandestine à la frontière avec l’Italie.

Quelque 5000 personnes devaient être transférées d’ici la fin de la journée de jeudi vers la Sicile, où se trouvent des centres d’accueil plus importants.

Aide européenne

 

Le gouvernement italien, d’extrême droite, a récemment alloué 45 millions d’euros à Lampedusa pour aider l’île à mieux gérer la situation des migrants.

Mais la cheffe du gouvernement, Giorgia Meloni, élue il y a un an en promettant de mettre un terme à l’immigration massive, demande l’aide de l’Union européenne.

Bruxelles « est en contact étroit » avec Rome sur la situation, a assuré jeudi une porte-parole de la Commission, précisant que l’Italie a déjà reçu 14 millions d’euros de fonds européens pour faire face à cette situation.

Le vice-premier ministre italien Matteo Salvini, patron de la Ligue (anti-immigration), a dit voir dans ces arrivées massives « un acte de guerre » contre l’Italie. L’opposition de gauche a de son côté ironisé sur l’échec de la politique de Meloni et Salvini, qui s’étaient engagés pendant la campagne des législatives de 2022 à « stopper » les bateaux de migrants.

Marion Maréchal, tête de liste du parti français Reconquête, un soutien de la formation postfasciste Fratelli d’Italia, de Giorgia Meloni, était attendue jeudi soir à Lampedusa.

« Lampedusa n’est pas uniquement la frontière de l’Italie, mais de toute l’Europe », a-t-elle dit avant son départ.

Près de 124 000 migrants sont arrivés sur les côtes italiennes depuis le début de l’année, contre 65 500 au cours de la même période l’année dernière.

Les chiffres n’ont toutefois pas encore dépassé ceux de 2016, année durant laquelle plus de 181 000 personnes, dont beaucoup de Syriens fuyant la guerre, étaient arrivées en Italie.

Deux fois plus de traversées

Les arrivées irrégulières de migrants en Italie par la Méditerranée en provenance de l’Afrique du Nord se sont élevées à près de 114 300 entre janvier et août, presque deux fois plus qu’à la même période en 2022, selon les chiffres annoncés jeudi par Frontex.

La Tunisie est, avec la Libye, le point de départ de milliers de migrants qui traversent la Méditerranée centrale vers l’Europe, puis qui arrivent en Italie.

Cette route migratoire, très dangereuse, a représenté « la moitié des arrivées irrégulières dans l’Union européenne jusqu’à présent cette année », note l’agence de garde-côtes et de garde-frontières de l’Union.

Les migrants arrivant par la Méditerranée centrale sont principalement Ivoiriens, Égyptiens et Guinéens, selon cette source.

« La pression migratoire accrue sur cette route pourrait persister dans les mois à venir, les passeurs baissant les prix pour les migrants partant de la Libye ou de la Tunisie, dans un contexte de concurrence féroce entre les groupes criminels », indique Frontex dans un communiqué.

Agence France-Presse


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